Nous ne sommes pas sortis du bois de la loi 103. Surtout depuis que celle-ci a subi une scission : le projet de loi 115 déposé hier portera à lui seul la portion la plus controversée des écoles passerelles et le débat en matière de langue d’enseignement. Cette loi 103/115 a délié les langues de plusieurs qui renchérissent sur les positions du Parti libéral qui, selon eux, sont prises principalement pour plaire à leur base électorale majoritairement anglophone et donc au détriment des francophones et de la défense de la langue française.
Hiers soir, quelques centaines de personnes se sont retrouvées devant les bureaux du premier ministre Jean Charest (bien que celui-ci était en chambre à Québec) pour prendre part à la manifestation-spectacle de la Coalition contre la loi 103. Il devient lassant, voire même déprimant, d’entendre ces mêmes discours —ou ces cris. Le Québec patauge dans cette mère linguistique, eau trouble qui ne reflète plus l’identité nationale. Les lois 101 et 103 (et 115) sont des bouées sur lesquelles s’accrochent les Québécois pour conserver leur nationalisme, celles-ci n’étant plus que de piètres symboles d’une sécurité linguistique délaissée par la politique.
On dira ce qu’on veut, et on pointera du doigt qui on veut : la mondialisation, les immigrants, une trop forte lutte pour le bilinguisme, la loi 101 qui devait réglementer l’affichage linguistique ne semble plus avoir force de pouvoir et notre ère chante davantage aux fronts de la souveraineté des droits [pour tous les] humains que d’une identité nationale [québécoise au Canada].
Avec tous les réseaux sociaux qui font éclater les frontières, le citoyen se retrouve souvent en crise identitaire, déchiré entre une affiliation nationale et mondiale. Et il est clair que l’État ne parvient plus à s’incarner en maître d’orchestre devant ses enfants déçus qui hurlent à la trahison (à l’adultère diraient certains). Les nouvelles technologies, doit-on le rappeler, ont permis a tout un chacun de picorer un peu partout pour assouvir ses différents intérêts personnels, et l’identité de la jeune population est un bricolage, une mosaïque où l’histoire nationale et culturelle n’a plus le même poids qu’elle avait pour les baby-boomers de la Révolution tranquille.
Il apparaît donc difficile et illusoire de s’attendre à ce que le gouvernement satisfasse une identité québécoise éclatée qui ne trouve plus qu’une force commune dans un nationalisme linguistique qui ne partage plus les mêmes origines. Le politique n’est plus qu’un instrument tenu par un trop petit groupe incapable de converger ce pluralisme culturel et identitaire.
Bien sûr, si le gouvernement péquiste obtenait le pouvoir, la loi 103 serait rapidement jetée aux flammes et la lutte du français reprendrait du poil de la bête. Encore faudrait-il que le peuple ait encore confiance en les politiciens. L’enthousiasme autour d’un embryon d’idée pour un nouveau mouvement politique, à savoir Forces Québec, laisse croire que c’est le lien entre la politique (d’autrefois?) et l’identité québécoise qui s’est perdu. Surtout si nos leaders se mélangent eux-mêmes dans ce ramassis de chiffres légaux (Françoise David, porte-parole de Québec Solidaire, avouait à notre journaliste qu’elle était « mêlée » entre la loi 103, 104 et 115. L’article en exclusif web sur delitfrancais.com cette semaine.)
La lutte linguistique ne peut donc plus se fonder sur une guerre contre l’Autre, entre autres dans une ancienne veine anti-américaniste, alors que le Québec s’ouvre au monde et en subit les contractions prénatales se traduisant par une crise identitaire nationale.