Great Directors d’Angela Ismailos, portrait de dix réalisateurs (Catherine Breillat, Richard Linklater, John Sayles Bernardo Bertolucci, David Lynch, Stephen Frears, Agnès Varda, Ken Loach, Liliana Cavani et Todd Haynes), prend l’affiche cette semaine au Cinéma du Parc. Tous de renommée mondiale, ils partagent une vision similaire de la création artistique : faire prévaloir l’authenticité de leurs œuvres sur une intention purement commerciale du cinéma. Ismailos cherche à comprendre l’origine de l’inspiration artistique et ce qui rend ces réalisateurs, acclamés pour leur provocation et leur personnalité, si singuliers.
Alternant ces diverses rencontres, Ismailos adopte un point de vue particulièrement touchant qui souligne les sentiments des cinéastes en relation avec leur succès plutôt que de donner de simples faits biographiques. La réalisatrice du documentaire nous fait ainsi voyager à travers les esprits de ces grandes figures du cinéma. Échecs au box-office, contraintes financières, exigences du public : chacun explique la complexité de la relation entre le désir d’intégrité artistique et le besoin de correspondre aux attentes du public.
La réalisatrice met en évidence, entre autres, l’influence du contexte historique et socio-politique sur leur création, entre censure et source d’inspiration. Catherine Breillat voit en l’obscénité censurée une forme d’esthétisme : « Ce qui est interdit vous laisse interdit ». Reconnue mondialement aujourd’hui, Breillat a longtemps été la bad girl du cinéma français. On peut observer le même phénomène avec Le dernier Tango à Paris (1972) de Bertolucci, censuré pendant trois ans, puis acclamé par la presse.
Isamailos évoque aussi certains événements politiques et mouvements cinématographiques liés à la carrière des réalisateurs : la rupture thématique et stylistique du cinéma avec Mai 68, la Nouvelle Vague, le néo-réalisme italien, la longue prépondérance des visions masculines au cinéma, l’Allemagne nazie, la classe ouvrière en Grande Bretagne et son influence sur les œuvres de Ken Loach… Bien que certains enjeux socio-politiques soient mis en évidence, le documentaire reste centré davantage sur les motivations créatrices des réalisateurs.
Il traite aussi de l’impact des aînés du cinéma, des réalisateurs tels Hitchcock, Fellini, Billy Wilder, Pasolini, Fassbinder, Bergman, parmi tant d’autres, sans qui certains réalisateurs d’aujourd’hui n’auraient pas exercé leur métier. Ismailos forme ainsi un excellent point de rencontre entre les différentes influences cinématographiques des réalisateurs et leur propre créativité.
Great Directors est un bel hommage à petit budget au cinéma d’auteur. Authentique, il dévoile à la fois la beauté du métier et les angoisses qu’il suscite. Malgré l’absence de certains cinéastes, qui auraient pu rendre ce documentaire plus complet dans une perspective internationale (l’absence d’Almodovar, par exemple, est étonnante), le projet d’Ismailos est une réussite de par les vérités et l’intégrité qui se dégagent des entrevues.
Profondément personnel et concentré sur l’art du cinéma et de ses artistes, tous les spectateurs dont l’âme artistique est fascinée par le processus de création se raviront de ce film.