Cette fin de semaine, Le Délit a retrouvé les journaux étudiants Le Collectif (Université de Sherbrooke) et Impact Campus (Université Laval) à Québec dans le cadre de la première conférence régionale uniquement en français organisée par la Presse universitaire francophone en partenariat avec l’Association de la presse francophone et l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ).
Le web et le papier : une symbiose risquée ?
La rencontre a soulevé quelques questions pertinentes quant au virage 2.0. François Demers, professeur en communication à l’Université Laval, établit deux grands défis –technique et en rapport au financement– relatifs à l’entrée sur Internet.
Martin Bougie, directeur général de l’Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec, affirme que le plus grand défi se situe davantage sur le plan « humain ». Il ne faut pas craindre le web, mais voir comment celui-ci peut venir compléter la version papier. La mission 2.0 est, selon lui, de garder la spécificité du média en question en s’accaparant les nouveaux outils. Les acteurs dans le domaine des médias sont maintenant des « producteurs de contenu » avec différentes plateformes (site Internet, Facebook, Twitter, etc.) à leur disposition. Enfin, il ajoute qu’il n’est qu’une question de temps pour que le monde de la radio change aussi, qu’Internet/wifi pénètre les autos. Il faut travailler sur sa spécificité, développer et consolider son public, être à son écoute.
Claude Plante, journaliste à La Tribune sur cyberpresse.ca, explique la restructure nécessaire lorsqu’un prend le virage web. Par exemple, pour leur site, les manchettes doivent changer au moins à chaque heure, car le lecteur d’aujourd’hui est à la recherche des dernières nouvelles. De plus, son temps est compté et les textes moins longs (et les nouvelles locales) sont plus gagnants sur la toile, dit-il. Il faut également bien se servir des nouveaux outils, la vidéo par exemple, pour attirer le lecteur.
En somme, le web ne fait plus peur –si ce n’est que parce qu’il semble être une autre langue. « Ça fait dix ans qu’on me dit que le web va tuer le journal », lance M. Plante, « mais on est encore là. » L’ère 2.0 ne marque certes pas la fin du hard-copy des actualités, mais transforme bien notre relation dans ce soft(-copy) world. Le risque semble surtout se trouver dans la perte d’une voix citoyenne. Dans cette mer de blogues, un seul commentaire semble se perdre alors que les nouvelles changent sans cesse avec ces marées de dernière minute. Comment peut-on alors construire le débat public ? Devient-il sujet aux administrateurs des sites Internet ? Qu’advient-il de la bonne vieille lettre ouverte envoyée au journal ? Où est sa place sur cette toile cybernétique ?
S’armer de mots
Dans le dernier épisode de la télésérie américaine Smallville, ces mots d’Oliver Queen (Justin Hartley), un milliardaire devenu héros national par ses aptitudes phénoménales à l’arc et ses beaux yeux bruns, ont fait écho dans mon esprit : « In this world of armchair bloggers who created a generation of critics instead of leaders, I’m actually doing something right here, right now ». Je ne vous dit pas d’aller enfiler vos collants et de mettre vos masques et de vous transformer en super-héros, mais prenez possession de vos nouvelles armes. Martin Bougie l’a bien souligné : le pouvoir a changé de mains. L’auditeur, le lecteur n’est plus un personnage passif, il a droit et peut participer et interagir beaucoup plus maintenant. Appropriez-vous les sites d’actualité, revendiquez vos intérêts et faites savoir ce dont vous vous parler et entendre parler. Par exemple, trois articles à l’intérieur de ce numéro illustrent l’importance des mots et du dire : une entrevue avec Kevin Annett qui dévoile le génocide des autochtones au Canada (p. 4), un retour sur le documentaire Vous n’aimez pas la vérité expose la vie d’un prisonnier de Guantánamo (p. 12) et l’article en pages centrales plonge dans le dossier sur le barrage de la Romaine. Les mots peuvent n’être que des mots lorsqu’on les laisse flotter dans les airs, mais ils peuvent laisser une trace noire sur blanc et résonneront s’ils sont assez forts.
Si tout ce qui à trait au journalisme vous titille, régalez-vous de la série de conférences, de tables rondes et d’ateliers que nous avons organisée dans le cadre de la Semaine du journalisme étudiant, pour répondre à toutes vos questions (programme provisoire au dos du journal).