Bien qu’elles soient présentées conjointement, les deux expositions Bleu et Actes de présence traitent de sujets très différents. L’exposition Actes de présence, dont le commissaire est l’artiste Manon de Pauw, s’intéresse à la représentation de l’artiste et à sa présence dans son art. Plusieurs photographies témoignant de performances passées sont exposées aux côtés de vidéos et de clichés d’artistes. Les œuvres en présence visent essentiellement à montrer comment l’artiste se met en scène comme élément central de son art et, ainsi, comment il se définit comme œuvre d’art.
Bleu regroupe plusieurs œuvres utilisant les différentes déclinaisons de la couleur éponyme. L’exposition présente majoritairement des tableaux monochromes, mais aussi des photographies non-figuratives, comme celle de l’artiste montréalais Charles Gagnon, Sans Titre – Montréal. Cette épreuve à la gélatine argentine montre un détail architectural d’un bâtiment, soit une voûte où est inscrit BLUE ROOM. Le bleu est suggéré et non montré, et l’exercice est bien réussi, car le visiteur parvient facilement à imaginer la couleur de cette chambre. L’artiste québécois semble alors jouer sur le rapport de logique qui peut lier le mot écrit, sa définition, ce qu’il représente et l’interprétation qui l’accompagne. Des célèbres tableaux chromatiques présentés, notons aussi celui du Montréalais Guildo Molinari, Cygne le bleu qui illustre parfaitement les innovations minimalistes et conceptuelles du siècle dernier.
Cependant, le parcours de l’exposition paraît mal pensé. En effet, la première œuvre, Atlan (1986) de James Turrell, est si impressionnante et bouleversante que les suivantes semblent anodines et passent un peu inaperçues. Malgré l’excellent choix des œuvres de Manon de Pauw, cette première pièce semble bien voler la vedette aux deux expositions. L’installation de Turell diffère largement de tout ce que le visiteur a pu expérimenter même s’il est habitué à l’art contemporain. Dans la salle où se trouve l’installation, le public est confronté à un immense rectangle bleu électrique. Les réactions sont multiples : certains restent au fond de la salle obscure, d’autres allument téléphones cellulaires ou lampes de poche afin d’éclairer leurs pieds, et d’autres encore, plus téméraires, avancent vers la forme sur le mur du fond. Ces visiteurs aventuriers réalisent rapidement que la figure au mur n’est pas pleine, mais vide. Un bras, une tête ou tout le haut du corps peut y être inséré. L’espace est immense. Le visiteur est perplexe : où débute et où se termine l’œuvre ? Ce « vide » bleu, vaporeux et profond n’affiche aucun objet, aucune forme… que du bleu. Une fascination mêlée d’angoisse s’immisce en lui : il est au cœur de la couleur, dans son essence. Atlan est l’expérience même de la couleur bleu, sa quintessence pure et sans équivoque. C’est l’univers du rêve, du paranormal, et les pièces suivantes ne peuvent en rien égaler ce miracle de l’art contemporain. Grâce à cette exposition, le MAC réussit à retracer une histoire de l’art contemporain et de ses enjeux à travers la représentation de la couleur bleue et de ses variations.