La diégèse de Yellow Moon : la ballade de Leila et Lee, de David Greig, est simple : un jeune homme (Lee) et une jeune femme (Leila) en retrait idéologique de la société, partent à la recherche du père de Lee, disparu depuis longtemps dans une campagne éloignée. La quête paternelle devient rapidement une histoire remplie d’embûches où les deux jeunes se retrouvent face à leur existence et à leur solitude.
Yellow Moon est un drame social et familial où les cris de la tragédie moderne se font entendre. C’est un chant lyrique dont le texte rappelle parfois l’épopée, notamment quant à la forme (le lexique) et au désir de l’absolu. D’ailleurs, la traduction de Maryse Warda est frappante au sens le plus fort du terme ; les mots sont projetés sur le spectateur et se transforment en gifles qu’on reçoit avec un plaisir masochiste.
En outre, la mise en scène de Sylvain Bélanger rend parfaitement vivant les jeux de polyphonie dans le texte de Greig. Quatre comédiens présents sur scène pendant une heure et demie : les voix s’entremêlent non pas dans une volonté de confusion mais de fusion. Les quatre comédiens semblent même parfois former un seul corps soumis à sa condition d’être.
On ne parle donc plus du corps matériel et individualisé, mais d’un corps social qui a envie de se réaliser, de s’émanciper, mais faisant continuellement face à ses propres limites. Sylvain Bélanger est ingénieux, sa mise en scène est précise et minimaliste sans impliquer une quelconque restriction.
Yellow Moon est un de ces morceaux d’art dont on sort avec une impossibilité de vivre, emprisonné dans nos pensées et nos sentiments sur l’avenir de l’(in)existence et le rapport de l’homme à la mort. Le mal-être est au centre de la pièce ; or ce sentiment n’est pas associé, tel qu’à l’accoutumée, à une forme de pessimisme ou d’épuisement. Une possibilité d’issue demeure active : c’est l’amour.
Sylvie de Morai (Leila) et Benoît Drouin-Germain jouent avec subtilité et restriction leur amour : la poésie qui règle celui-ci est obscure comme si elle venait des ténèbres ; elle s’exprime dans le silence de la nuit, comme si elle avait besoin de se savoir cachée pour prendre naissance.
Yellow Moon est définitivement une pièce phare de cette saison théâtrale.