La 23e édition du festival Image+Nation est passée comme « une p’tite vite ». Retour sur trois films qui ont marqué le festival cette année.
Image+Nation, le festival de films LGBT, présente chaque année plusieurs films réalisés par cette communauté LGBT toujours marginalisée. Certains films ne parviennent pas toujours à transcender ce cloisonnement, demeurant souvent trop proche d’une réalité qui peut être difficile à saisir pour « l’autre » commun des mortels. Toutefois, on découvre au festival des œuvres incontestables, qui parlent d’homosexualité, oui, mais qui nous parlent aussi plus largement de différence, de marginalisation et de tolérance.
C’est le cas du documentaire Making the Boys, qui explore le mouvement gay aux États-Unis –principalement à Hollywood et à New York– et l’impact de la pièce de théâtre puis de l’adaptation cinématographique de Boys in the Band de Mart Crowley. Alliant avec justesse de nombreux entretiens avec des personnages de cette époque (notamment le dramaturge Edward Albee connu pour sa pièce Who’s Afraid of Virginia Woolf ?) et des icônes populaires contemporaines (entre autres, Carson Kressley de Queer Eye for the Straight Guy et Christian Siriano de Project Runway), ainsi que des morceaux de la pièce et du film et des extraits d’émissions télévisées ou de journaux, Making the Boys réussit à faire revivre sous nos yeux ce segment d’époque que plusieurs ignorent aujourd’hui. Le documentaire n’est pas centré autour de la pré et post histoire de Boys in the Band ; cette œuvre pionnière dans la lutte gay, mais explore chacune des circonstances et des relations qui ont influencé sa création, sa réussite, son oubli, puis sa reprise. Les gays n’apparaissaient jusqu’alors dans les films que sous la forme de victimes ou de criminels. Boys in the Band sera la première œuvre à offrir une vision de cette communauté en pleine effervescence ; et le travail du réalisateur Crayton Robey fait de Making the Boys un documentaire réaliste, drôle et tendre à la fois. À voir absolument.
Les découvertes se poursuivent avec le documentaire The Real Anne Lister. Cette femme, née à Halifax au XIXe siècle, à l’époque de Jane Austen, est parvenue à s’établir dans cette société profondément patriarcale, et ce malgré son homosexualité affichée. Ce documentaire mélange aussi les différentes formes de narration –une narratrice nous accompagne et sert de guide dans cette exploration de l’identité d’Anne Lister en lisant des extraits de journal, en s’entretenant avec d’autres passionnés de ce personnage de lesbienne moderne– et d’images –des segments flous accompagnés de musique d’époque sont insérés dans la narration principale. Bien que la maîtrise esthétique de The Real Anne Lister n’est pas aussi remarquable que celle de Making the Boys, il est fascinant de découvrir ce personnage oublié qui a marqué un premier pas pour la communauté lesbienne, mais aussi pour la femme moderne. Sur ce, elle aurait répondu à un grand homme d’affaires qui n’en revenait pas de devoir avouer sa défaite à une femme : « It’s the intellect which makes the bargain and the intellect has no sex. »
Enfin, Le Fil de Medhi Ben Attia qui a clôturé le festival est une œuvre de fiction accomplie. Racontant le chemin qu’entreprend un jeune homme pour se libérer du joug maternel et du secret de sa sexualité, Le Fil explore la tolérance à la fois sexuelle et sociale avec brio. Les acteurs (notamment Antonin Stahly-Vishwanadan dans le rôle principal de Malik) incarnent leur personnage avec justesse et sincérité. Pas de manichéisme ici, mais la réelle complexité des relations interpersonnelles. Le seul défaut du film réside dans les quelques séquences où le fil (symbole du cordon ombilical) dont Malik ne parvient pas à se défaire se concrétise à l’écran. Voir ce fil n’ajoutait rien vraiment à l’histoire et au jeu de l’acteur qui est déjà remarquable. Heureusement, ces séquences sont rares, et le fil, toujours présent, devient invisible. Une fiction authentique, drôle et sans lourdeur ni longueur, qui mérite d’être vue.
Le festival Image+Nation a encore une fois permis au public de s’ouvrir à un monde trop souvent gardé dans l’ombre.