Le 5 octobre dernier, une marée d’étudiants s’était donné rendez-vous devant les bureaux du premier ministre Jean Charest à Montréal pour manifester contre la hausse des frais de scolarité. Un étudiant expliquait alors pourquoi il distribuait des grilled cheese lors de la manifestation : « Le symbole des grilled cheese, c’est pour illustrer que l’aide financière aux études donne seulement sept dollars par jour pour manger », affirmait avec ferveur celui-ci.
Bon, arrêtons-nous ici pour faire un court calcul. En multipliant sept dollars par le nombre de jours dans une semaine, nous arrivons à une somme totale de quarante-neuf dollars. En tant qu’étudiante qui fait son épicerie à chaque semaine, une telle somme me semble très raisonnable. Pensez à ce que coûtent une miche de pain blanc et un paquet de tranches de fromage Kraft et venez me répéter ensuite que c’est la seule chose que vous puissiez vous payer avec quarante-neuf dollars par semaine. Il y a bien des chances que vous vous trouviez dans un certain embarras. C’est quand même frappant de voir que tous ces étudiants soient venus manifester sur la base d’un argument qu’ils n’ont pas questionné. Où je veux en venir ? Le niveau de vie que maintient la plupart des étudiants est plus conséquent de leur surendettement que de leur frais de scolarité.
Je ne me lancerai pas dans le débat concernant les frais de scolarité, à savoir si les hausses sont justifiées et de quelle manière l’argent est dépensé. Mon argument est que le niveau d’endettement étudiant risque de rester élevé même si les frais de scolarité n’augmentent pas. S’endetter lorsque nous étudions, c’est un fait de la vie. Avoir 30 000 dollars de dette à la fin d’un bac de trois ans, c’est discutable. Ce qui est à lorigine du surendettement des étudiants (et non de leur endettement), ce n’est pas nécessairement la surconsommation, mais leurs mauvaises priorités de consommation. Le fait est que sept dollars par jour, ce n’est effectivement pas assez si on mange toujours à la cafétéria, si on va au restaurant où si on passe ses journées dans les cafés. Faire son épicerie en fonction des rabais, emmener des lunchs, ou faire son café soi-même ne sont pas des actions si souffrantes. Elles demandent seulement un peu de temps et d’effort.
Les études sont une période de la vie où nous devons accepter de faire des sacrifices. C’est une expérience de vie qui en a long à nous apprendre. Il suffit de laver sa vaisselle à la main pour avoir une petite leçon d’humilité. Je connais des gens qui se paient des voyages en Europe pendant l’été et qui boivent une quantité d’alcool impressionnante par semaine. Après, ils sortent dans la rue en clamant haut et fort qu’ils sont surendettés. Où est la logique ? Quelqu’un qui se plaint de l’augmentation des frais de scolarité, qui ne fait pas attention à ses dépenses et qui ne travaille pas, c’est comme quelqu’un qui se plaint de la hausse du prix de l’essence alors qu’il roule en Hummer.
Voulons-nous seulement avoir accès à un système d’éducation supérieure, ou bien avoir accès à un bon système d’éducation supérieure ? Si on refuse le changement nécessaire, on stagnera, et ce n’est pas sortir dans la rue qui y changera quelque chose. Ce n’est pas une question de devenir un État capitaliste, c’est une question de savoir faire des compromis. Hausser les frais de scolarité ne détruira pas notre social-démocratie : nous payons déjà un montant significatif pour étudier. Ce qui dérange, c’est de payer plus, c’est d’en avoir moins dans ses poches. Ce qui dérange, c’est que les étudiants auront le choix entre revoir leurs priorités ou s’endetter encore plus.
Pour ceux qui ont envie de répliquer que même s’ils font attention, leur dette d’étude augmentera forcément, je vais répliquer que de commencer sa vie professionnelle avec une dette étudiante, ce n’est pas faire voeu de pauvreté. Si tu n’as fait aucun excès notoire durant tes études, cela signifiera seulement qu’il faudra attendre quelques années avant d’acheter une maison, une auto et un cinéma maison.