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[Ré]écrire notre histoire

Puisque ce dont je vais vous parler dans ma présente chronique constitue un événement majeur dans le milieu culturel au Québec, je considère à propos de se remémorer quelques paroles sur l’art prononcées par de grands romanciers et dramaturges qui ont marqué l’époque qui nous a précédée. Dans La décadence du mensonge, Oscar Wilde écrit : « La Vie imite l’Art bien plus que l’Art n’imite la Vie. » Si cette proposition de Wilde est forte, bien que pratiquement devenue cliché de nos jours ; c’est bien parce qu’elle souligne la tendance de l’homme à émuler ce qui est plus grand que soi.

Mais qu’en est-il lorsque l’Art imite la Vie, par exemple l’histoire d’un peuple ? Tolstoï écrit, dans Qu’est-ce que l’art ?, que « les grandes œuvres d’art ne sont grandes que parce qu’elles sont accessibles et compréhensibles à tous. » De fait, la grande œuvre de Tolstoï (et sans conteste l’une des plus grandes œuvres litéraires), Guerre et Paix, narre l’Histoire de toute une nation, celle de la Russie à l’époque de Napoléon Ier. Le dernier aphorisme qui servira notre sujet provient de Somerset Maugham, dramaturge et romancier britannique particulièrement prolifique durant les années 1930 : « L’art pour l’art, c’est une formule qui n’a pas plus de sens que le gin pour le gin. »

Ces trois pensées sur l’Art éclairent, à mon sens, l’œuvre de l’inspiré Réjean Tremblay. Un nouveau chapitre s’ajoute à la saga écrite par notre visionnaire dramaturge, la saga d’une nation combattante, qui s’est battue pour ses droits et pour sa langue et qui se bat encore pour obtenir son pays, mais également la saga d’un peuple qui pense hockey : Lance et Compte : le film. 

Avec Lance et Compte, son grand chef‑d’œuvre, si l’on peut dire, Réjean Tremblay nous a montré que si la Vie s’inspire de l’Art, l’Art s’inspire également de la Vie lorsque ledit Art est créé par un homme qui veut émuler plus grand que ce qu’il est capable de créer. Ainsi, depuis le début de cette série télévisée qui se transforma à quelques occasions en longs métrages, Réjean Tremblay (Doctorat honoris causa décerné par le Colisée Pepsi) recycle maints éléments de l’actualité sportive, que ce soit le personnage de Linda Hébert, apparemment inspiré de Liza Frulla, ou le passage à l’Ouest par des joueurs de l’URSS lors de la coupe du monde de hockey pendant la troisième saison qui n’est pas sans rappeler l’évasion des frères Statsny en 1980 lors du tournoi de la Coupe d’Europe à Innsbruck grâce à l’aide de dirigeants des Nordiques de Québec. Car, il faut le dire, le National de Québec de Réjean Tremblay, ce sont les Nordiques.

C’est ici, je crois, que les mots de Tolstoï prennent tout leur sens : avec un calquage aussi grossier de la fiction sur la réalité, l’œuvre de Réjean Tremblay est grande, car elle est accessible et compréhensible de tous, que ce soit le monsieur qui chauffait des trucks pour Frito-Lays en 1989, ou le professeur d’université qui y revoit sa jeunesse. D’où la pertinence d’invoquer la citation de Maugham pour analyser l’œuvre aussi proche de son public, qui met en scène des intrigues invraisemblables impliquant Jean-Michel Anctil en admirateur un peu trop enflammé qui finit par mettre littéralement le feu à un autre personnage, que l’est Lance et Compte.

Évidemment, quand t’écoutes Lance et Compte, l’art pour l’art pour toi ç’a pas de bon sens, ce qui t’intéresse c’est le gin pour le gin !


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