C’est tellement 2007, je le sais avant même de commencer. Non seulement le sujet est-il dépassé, mais mes prophéties le concernant s’avèreront à la fois vaines et ridicules. Dans trente ans, quelque individu mal intentionné trouvera, par le biais de Google 3000, cette chronique pompeuse remplie de prédictions erronées qu’il révélera à la face du monde.
Pourtant, au risque de gâcher ma future réputation (dont l’existence reste à prouver), je me lance telle une héroïne sans peur dans le monde de la controverse : écran ou papier ? Pour ce qui est du livre je suis dans le camp, comme cela se devine aisément, des arriérés pour qui le livre physique s’apparente à un ami. Qu’on se comprenne bien : les tablettes ne méritent pas la mort, non plus qu’elles ne sont que des bébelles chères (quoique …).
Je vous ferai grâce des arguments bibliophiles sur la communion spirituelle exceptionnelle entre le lecteur et l’incarnation papier du livre. La question du devenir des libraires, infographistes, manutentionnaires, éditeurs et que sais-je encore a été largement débattue par des polémistes autrement plus savants que moi.
Je puis néanmoins affirmer, sans crainte de me tromper, que l’imprimé a une valeur intrinsèque. Matériel et concret, on peut le traîner partout, sans piles, sans bébelle chère.
Oui, plusieurs déserteront les librairies, car les œuvres les plus demandées seront numérisées et prêtes à être téléchargées depuis le confort d’une chaise de bureau ergonomique. Pourtant, certains continueront de flâner entre les rayons, de profiter des conseils des libraires et de feuilleter les œuvres. Comme devant leur propre bibliothèque, ils choisiront parmi les étalages leur prochaine lecture. Moi qui suis, disons-le, peu structurée, j’ai besoin de posséder des objets physiques pour ne pas oublier leur existence.
Et, non, ce n’est pas comme les CD remplacés par les lecteurs mp3. D’abord la musique, ça ne se voit pas. Du disque à la cassette au CD au Ipod, il faut un support pour écouter la musique, et ce support change. Des mots sur du papier, il y a longtemps que ça roule comme système. Peut-être, entre autres, parce qu’il est à la fois pratique, peu dispendieux et agréable à utiliser. Des choses que j’ai du mal à associer d’emblée aux Kindles et Ipad.
J’ai aussi lu un jour quelque chose sur les écrans, qui fatiguent plus les yeux que la lecture sur papier. En plus, tous ces machins proposent des distractions. Le syndrome du « si je n’ai pas commencé mes travaux, c’est de la faute de Facebook » risque de s’aggraver si toute lecture peut être interrompue d’un simple clic vers Tetris. En toute honnêteté, c’est ce qui m’arriverait.
Même le guide de la maîtresse de maison que j’ai vu en librairie l’autre jour le dit : les livres possèdent un grand potentiel décoratif, même si vous ne les ouvrez jamais.