Nous voilà à regarder en direct la session plénière des segments de haut niveau, nom sophistiqué pour dire que les ministres, présidents et premiers ministres s’adressent à la CdP16 pour présenter leur position par rapport aux négociations. Ils mentionnent tous l’importance de contrer les changements climatiques, mais la mise en pratique de ces mesures est vue très différemment d’un pays à l’autre. Certains, comme le Canada, disent que tous les pays devraient être responsables de la diminution leurs émissions, d’autres disent que les pays développés doivent avoir une plus grande part de responsabilité. Le consensus quant aux diminutions des émissions de gaz à effet de serre est difficilement obtenue dans les salles de négociations : de combien, de quelle façon, qui payera ? Des décisions complexes avec beaucoup d’implications, et qui doivent être acceptées par toutes les parties.
John Baird, ministre canadien de l’Environnement, a mentionné les États-Unis une dizaine de fois. Bien plus souvent que Canada ! Il semblerait que notre gouvernement a des difficultés à prendre ses propres décisions. Notre ministre a aussi parlé des efforts du gouvernement du Canada pour réduire les émissions sans donner d’exemples concrets… si l’on se rappelle que ce même gouvernement a rejeté le projet de loi C‑311 sur la responsabilité en matière de changements climatiques, le discours n’était pas si merveilleux.
Depuis deux jours, les négociations se déroulent derrière des portes au-delà desquelles la société civile est exclue. Une part des négociations traite de la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto dont la première phase se termine en 2012. Le Canada affirme jusqu’à présent qu’il doit y avoir un nouvel accord international qui inclut tous les pays, car ce n’est pas le cas avec Kyoto en ce moment. Cependant, si les plus grands pollueurs se retirent de Kyoto sous le prétexte de vouloir négocier un nouvel accord, il est impensable que les pays en voie de développement s’engagent à réduire leurs émissions avant que les pays industrialisés ne participent à l’effort. Les États-Unis, quant à eux, demeurent hors de la partie. Les scientifiques rappellent que les émissions de CO2 doivent être stabilisées d’ici 2015 afin d’éviter une hausse de la température et des conséquences irréversibles.
Le Canada donne comme exemple à suivre l’Accord de Copenhague qui est issu de la 15e Conférence des Parties. Le problème est que cet accord n’inclut aucun objectif mondial de réduction d’émissions de CO2, contrairement à Kyoto (5% sous le niveau de 1990). Au contraire, les pays se sont donné des objectifs sur une base volontaire. Le Canada ne respecte déjà pas ses engagements de Kyoto qui ont une valeur légale (donc avec des pénalités si non respectés); qu’adviendrait-il avec un accord similaire à celui de Copenhague ?
Représentant un peu plus de 2% de la population mondiale et étant le 8e plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde, le Canada pointe aussi la Chine du doigt. La Chine tente de prendre un virage vert en installant l’équivalent d’une éolienne par jour pour répondre à leur demande d’énergie grandissante. Le Canada a réduit ses émissions de 20% entre 1990 et 2007, alors que la Chine a réduit les siennes de 40% pour la même période. Et les émissions canadiennes totales continuent encore d’augmenter (27% de plus par rapport à 1990).
Voilà pourquoi accompagnés par des représentants du Parti Libéral, du Parti Vert, du NDP, du Bloc québécois, d’Équiterre, du RAC (Réseau Action Climat), de l’Institut de recherche Pembina, d’un chef des Premières nations et d’un chef de syndicat, nous avons rappelé au ministre canadien de l’Environnement l’importance de conserver Kyoto. Les pays avaient négocié pendant dix ans avant d’adopter le protocole. Nous ne pouvons pas attendre dix autres années pour développer un nouvel accord.