Dans la bande dessinée Burquette, publiée en 2008 aux éditions Les 400 coups, Alberte, s’était vu, sous l’autorité d’un père gauchiste aux idées éducatives plutôt loufoques, imposer le port de la burqua pendant une année. Cette expérience pour le moins originale devait permettre à la jeune fille de comprendre les mécanismes manipulateurs du culte des apparences et de lutter contre sa tendance à la superficialité et son culte de la consommation. Paru alors que les débats sur les accommodements raisonnables faisaient rage, Burquette a connu un franc succès qui a incité l’auteur, Francis Desharnais, à poursuivre l’expérience avec un deuxième tome.
Dans la suite de Burquette, paru en septembre dernier, le lecteur retrouve Alberte, désormais enchaînée à une machine à coudre, parfait symbole pour son géniteur de l’oppression que vivent des milliers d’enfants dans le monde, condamnés à travailler pour des salaires de misère et souvent attachés à leur machine pour garantir leur productivité. Sauvée des méthodes pédagogiques radicales paternelles par sa mère, une danseuse nue qui se bat contre l’esclavage sexuel, Alberte part en Balaysie, en Asie du Sud-Est. Alberte découvre en arrivant que le riche philanthrope qui les a invités gère en fait London Sheraton, une vedette alcoolique qui fait régulièrement la une des journaux à scandale. Si sa mère l’a emmenée en voyage, c’est pour qu’Alberte serve de gardienne à la star et à son bébé… À travers London, Alberte se rapproche de la culture pop qu’elle affectionne tant et se découvre malgré elle une certaine popularité. Rapidement déçue par le comportement de sa mère, Alberte retrouve par hasard son père qui a décidé de faire la révolution en Balaysie et qui s’est, à son tour, attaché à une machine à coudre.
Ce qui frappe, au premier abord, dans le deuxième tome de Burquette, c’est évidemment le dessin simple, presque naïf, et régulier, qui reprend le format de la bande dessinée strip tout en proposant une histoire suivie. Loin d’être une critique sociale ou religieuse, le récit mélange par ailleurs habilement humour et réflexion. Avec un sens du rythme qui lui vient vraisemblablement du monde de l’animation dans lequel il a exercé avant de débarquer en terres bédéistes, Francis Desharnais manie avec justesse l’humour slapstick de la satire sociale et dénonce habillement le nombrilisme ambiant de nos sociétés. Il s’amuse d’ailleurs à traiter du star system, des excès de Facebook et du voyeurisme tout en poursuivant son exploration du traumatisme d’Alberte, puisque celle-ci se retrouve encore parfois avec une burqua psychologique.
L’artiste de trente-trois ans, encouragé par le succès du premier volume qui s’était vendu à 4200 exemplaires –ce qui est considérable dans le monde de la bande dessinée–, confirme dans ce deuxième tome son talent grandissant.
Un moment de détente et de plaisir garanti pour les vacances !
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