Depuis les élections contestées de novembre dernier, le nombre de réfugiés qui sont passés au Libéria s’élève à 23 000, selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. La crise de 2002 et le conflit militaire en Côte d’Ivoire ont eux aussi provoqué une vague de déplacements de populations. De nombreux réfugiés sont, à ce jour, isolés à la frontière, au camp Saclepea de l’ONU. Ils ont récemment vu leurs espoirs de retourner dans un pays en paix s’évanouir avec l’annonce des hostilités et de 210 morts depuis début décembre ; et la vie n’est guère plus facile dans le camp. Alors que la communauté internationale sonne l’alarme, les conditions de vie des Ivoiriens de l’autre côté de la frontière sont déplorables.
.Comme le rapportait récemment la presse internationale, la Côte d’Ivoire se voit maintenant réclamée par deux présidents et deux armées. La dispute électorale entre les deux candidats a provoqué le déplacement vers le Libéria de plus de 20 000 Ivoiriens qui fuient l’insécurité et une éventuelle guerre civile. Certains médias évoquent, sans scrupules, l’ombre menaçante du génocide.
Jean Miraymond, le porte-parole des réfugiés dans un des secteurs du camp Saclepea, voit sa communauté dans une impasse. Cherchant la protection des Nations Unies, il est arrivé en 2003, alors que la guerre civile au Libéria continuait ses ravages. Selon lui, les Nations Unies et plusieurs ONG ont fui la violence, accroissant la vulnérabilité des réfugiés : « Nos femmes sont allées cultiver le manioc dans les champs pour qu’on puisse manger, mais certaines se sont fait enlever par les rebelles et des mercenaires Libériens. Les choses ont un peu changé depuis le désarmement du Libéria [par L’ONU], mais l’insécurité est toujours là. » Les disparitions et enlèvements, dans les champs ou dans la forêt à proximité du camp, sont trop fréquents, mais les réfugiés n’ont pas le choix. Ils doivent s’y risquer pour se nourrir, puisque le Programme Alimentaire Mondial a coupé l’aide en nourriture il y a deux ans.Les emplois sont rares au Libéria, et les emplois disponibles aux Ivoiriens d’autant plus. Tant bien que mal, Doumbia Moussa, cinquante ans, tente de subsister en élevant quelques poules et lapins. Pourtant, lorsqu’il regarde autour de lui, ce porte-parole de la communauté musulmane du camp de Saclepea se compte parmi les chanceux : des enseignants, des chauffeurs, des mécaniciens, des tailleurs, eux, sont réduits au chômage depuis des années. Certaines femmes doivent se prostituer pour gagner leur pain et nourrir leur famille.
Moussa est au Libéria depuis 2002 et, selon lui, la situation dans le camp ne fait qu’empirer. « Il n’y a aucune force de sécurité autour du camp, et les mercenaires ivoiriens et libériens font la navette entre ici et la Côte d’Ivoire. L’assistance sanitaire, alimentaire et en matière d’éducation est insuffisante. Nous avons peur pour nos enfants. »
Moussa et Miraymond souhaitent faire un appel à la communauté internationale. Ils ont été abandonnés à eux mêmes, dans un pays qui n’est pas le leur et ils ne reçoivent ni protection, ni assistance.
Les Nations Unies ont déclaré cette semaine qu’ils ouvriraient un nouveau camp à la frontière, pour accueillir les 500 nouveaux réfugiés Ivoiriens qui arrivent à chaque jour.