Présentée pour la première fois dans une version moins développée, En attendant Gaudreault est précédée d’une autre pièce du même dramaturge Sébastien David, Ta yeule Kathleen exposant ainsi le climat et l’époque de la pièce suivante. Elle ne joue pas, pour autant, un rôle secondaire ; son discours et son récit sont autonomes.
Jouée par Marie-Hélène Gosselin, Ta yeule Kathleen, est le monologue d’une mère monoparentale qui adresse un discours à son nourrisson de deux mois, Kathleen. Elle confesse la douleur de sa solitude et de son impuissance sur un ton robotique et dans un discours sans ponctuation.
Suite à une courte interruption, William (Sébastien David) et Dédé (Frédéric Côté) rejoignent Monique (Marie-Hélène Gosselin) sur scène pour former une triade pas belle dont la complicité dramatique est aussi forte que l’unité des discours.
En attendant Gaudreault poursuit la même thématique du malheur individuel. Les trois personnages attendent Gaudreault pour des raisons différentes : Monique est amoureuse de lui, William pour lui acheter de la dope, Dédé pour venger son frère mort d’une surdose.
Outre quelques rares scènes d’interaction, la pièce est principalement constituée d’un ensemble de monologues qui s’interpénètrent les uns les autres et qui finissent par créer entre les trois personnages une toile sociologique d’infortunes et de déceptions.
Le décor est constitué de trois chaises, métaphore de l’austérité et du désœuvrement, mais aussi de la mobilité sociale et de l’absence d’attachement ; de l’errance. Celle-ci n’est d’ailleurs pas uniquement physique : elle est mentale, psychiatrique dirait-on. En effet, les personnages vivent selon un arbitraire quelque peu impulsif exprimé ici par une orgie de mots pas beaux.
La forme très rythmée du texte et le ton mécanique qu’emploient les personnages s’en trouvent étonnamment touchants. Essentiellement sans ponctuation, le texte ne tombe pas dans le cliché des discours sur les petits malheurs ; sa profondeur est singulière et son émotion, vive. D’ailleurs, cette célébration de phrases effusives forme la matière du texte de la même force que sa manière. L’attente généralisée et inassouvie donne l’unité à l’errance des discours.
Un peu comme Beckett quelques soixante ans plus tôt, Sébastien David offre un texte sur le malheureux ridicule de la condition humaine.
Oui, sur ces attentes toujours douloureuses, mais davantage sur un fantasme tant décousu qu’emblématique : le fantasme d’une meilleure vie, possible ou impossible.