Mis à part son titre, la pièce Tom à la ferme n’a rien de bucolique. Tom (Alexandre Landry), un beau jeune homme à la crinière de lion, se rend à la campagne pour les funérailles de son amant. Agathe, la mère (Lise Roy), et Francis, le frère (Éric Bruneau) du défunt, refoulent derrière leurs mots et leurs gestes bienséants leur inconfort face à l’homosexualité. La présence de cette « veuve-garçon », alors qu’ils s’attendaient à accueillir une femme, leur permet toutefois de s’installer dans le mensonge et de se rattacher à cet être perdu, jusqu’à en tordre la vérité. Tom, lui-même, se résoudra à participer au jeu, exprimant ses doléances par des propos supposément rapportés d’une copine inventée.
Le deuil et l’homosexualité, les thèmes majeurs de cette pièce, permettent une réflexion sur la recherche de soi. Agathe retrouve en Tom son fils qui s’est enfui et Francis, son frère, à cause duquel il s’est autrefois ensanglanté les mains. Tom, celui qui vient de la métropole, s’effacera alors pour se réincarner en son amant défunt. C’est à travers ces relations re-tissées que chaque personnage entreprendra un voyage cathartique au fond de son être, avant que la vérité n’explose au grand jour et que chacun puisse faire son deuil.
Il est rare d’assister à une pièce dont le jeu des acteurs est si égal. Quelle heureuse surprise ! Les montées émotives et les instants de silence sont bien répartis entre les personnages. Nul manichéisme ici, mais plutôt la découverte de l’intimité complexe de cette famille en proie aux plus violents non-dits. C’est Éric Bruneau qui interprète le personnage du bourreau non dépourvu de tendresse. Il parvient à exprimer avec justesse le malaise de ce fils qui rêve d’autres horizons, mais dont le devoir de rester sur la terre paternelle et de prendre soin de sa mère l’accable. Lise Roy, quant à elle, incarne une Agathe pleine de candeur qui ne parvient pas à être en paix avec un fils qu’elle ne connaissait finalement pas. Le texte et les jeux de mots de Michel Marc Bouchard sont merveilleusement portés par Alexandre Landry qui réussit à rendre crédible et jamais irritant un personnage toujours à la recherche de synonymes. La courte présence d’Évelyne Brochu est bien amenée et permet à la pièce d’atteindre son point culminant.
La mise en scène minimaliste de Claude Poissant laisse assez de place à l’excellent jeu des acteurs. La scène est épurée : côté jardin, un ensemble d’armoires murales, ainsi qu’une table et quelques chaises, évoquent la cuisine, alors que côté cour, la chambre est composée d’un lit et d’une lampe. Le fond de la scène est constitué de planches de bois et d’une porte coulissante ; juste assez pour faire allusion à une ferme isolée. Aucun changement de décor n’est effectué –ni nécessaire–, la scénographie bien pensée par Romain Fabre permet aisément d’évoquer les divers lieux où se passe l’action et rappelle le côté très rustre de la pièce. L’éclairage (Erwann Bernard) est également un élément essentiel qui contribue à la réussite de Tom à la ferme.
Une pièce à voir absolument.