Je ne sais pas si c’est par esprit de contradiction que je cherche toujours à repérer chez un écrivain le contraire de ce qu’on en dit communément, mais sans doute que oui. Ainsi, lorsque je lis un auteur comme Gilles Archambault, je cherche toujours une petite lueur d’espoir, une petite trace d’amour pour la vie de la part de cet auteur dont on qualifie si souvent les écrits de sombres et de désespérés. Et je trouve ce que je veux, bien sûr, ce qui me fait revenir sans cesse à cet univers qui lui est si unique, à cette voix murmurée à laquelle on est vite accoutumé.
Je dois dire qu’il me rend parfois la tâche plutôt difficile. Grande admiratrice de ses chroniques ‑autant celles remaniées à des fins de publication, comme la série des Chroniques matinales, que les billets d’humeur qu’on peut entendre chaque dimanche à l’émission de Joël Le Bigot‑, je recherche toujours ce ton ironique et narquois qui me plaît tant chez le chroniqueur et qui paraît absent chez le romancier ou encore le nouvelliste.
C’est pourtant justement ce qui fait la force de ses récits de fiction. Paradoxalement, cette force, typique d’Archambault, c’est la faiblesse de ses personnages, une faiblesse bien humaine et qui nous rappelle la nôtre. Nus devant la vie, le temps et ses fatalités, ils n’ont même pas le voile de l’ironie pour se protéger contre les éléments.
Les échanges désabusés des personnages de son dernier recueil de nouvelles, Un promeneur en novembre, sont dénués de pathos et d’illusions. Le recueil rassemble, dans de courts tableaux intimistes, une série de départs. Départ de l’être aimé, de l’enfant, du frère, et très souvent, le dernier des départs. La méditation sur la mort est en effet présente à chaque page. Ces claquements de portes, ces vies quittées en catimini, sont d’autant plus percutants dans la forme brève de la nouvelle, et accablants dans leur succession.
Les nouvelles sont également ponctuées de silences. Comme échange avorté ou comme non-dit, le silence recèle la difficulté de communiquer avec les plus proches. Les mots, lorsqu’ils sont trop nombreux, sont blessants ou maladroits. Le silence, pendant inévitable de la solitude, entoure chaque personnage, malgré la présence parfois étouffante d’autrui.
Mais si les personnages d’Archambault sont foncièrement seuls, si les liens familiaux sont presque nécessairement rompus ou usés, chacun cherche tout de même, à tâtons, l’écoute et la compréhension d’un autre. Cet autre arrive un peu comme une discrète Providence, comme deux promeneurs qui se rencontrent, un jour de pluie, en novembre.
Se crée alors un espace éphémère d’écoute et de complicité, un moment de douceur. Ces instants, chez Archambault, surviennent comme le pâle soleil de novembre, qui perce parfois à travers la grisaille, et la recherche de ces lueurs constitue la quête d’une vie.
« La pluie ne cessera pas. Peut-être même se transformera-t-elle en neige. J’ai trop marché. Il est temps de rentrer. Je vais hâter le pas. Avec un peu de chance, il y aura de la lumière chez Mme Durand. »