L’Illusioniste raconte la rencontre entre deux êtres au plus fort de leur solitude. Dans un monde en pleine transformation, où les spectacles de music-hall ne rivalisent plus avec les stars du rock, un vieil illusionniste sur la fin de sa carrière est forcé de quitter Paris. Dans l’espoir de trouver de nouveaux contrats, il part pour l’Angleterre. Y faisant face à la même situation, il est contraint de pratiquer son art dans les petits théâtres de province et les bars. À force de cheminer, il se retrouve invité dans un village écossais isolé du monde et de la technologie, où il rencontre Alice, une jeune fille au crépuscule de l’adolescence habitée d’innocence enfantine, mais ayant les aspirations d’une jeune femme. À la fois touchée par l’attention qu’il lui porte et fascinée par ses tours de magie, elle décide de quitter son travail de femme de chambre et de le suivre dans ses aventures. Une relation touchante d’un père et d’une fille, mais aussi une dynamique de couple se développe entre eux. Elle prend en charge les tâches ménagères et ne cesse jamais de croire en lui, tandis qu’il cherche désespérément à gagner de l’argent et qu’il la gâte du mieux qu’il peut. Des moments qu’ils partageront naîtra une véritable magie, jusqu’à ce que la réalité les rattrape.
Avec ce deuxième hommage à Jacques Tati, Sylvain Chomet fait renaître le réalisateur français. En effet, le scénario original avait été écrit par Tati lui-même dans les années 1950, puis mis de côté d’abord pour céder la place au film Playtime, mais aussi en raison du caractère très personnel de l’histoire. C’est Sophie Tatischeff, la fille de Jacques Tati, qui, charmée par Les Triplettes de Belleville, suggèrera à Sylvain Chomet de ressortir le scénario. Seul un film d’animation pouvait faire honneur au style de Tati et représenter le personnage de M. Hulot, auquel ressemble étrangement l’Illusionniste par ses traits, sa démarche et ses vêtements.
L’histoire tourne autour de l’idée du changement, avec une société en évolution, des personnages vieillissants et des sentiments nouveaux. Le regard que porte l’auteur sur cette époque reste tendre, peut-être fataliste, mais ne devient jamais dénonciateur, ce qui donne une légèreté au film et permet au spectateur d’être touché sans être écrasé par la tristesse des événements. Sylvain Chomet s’est surpassé dans la mise en place d’une infinité de détails, simples en eux-mêmes, mais ajoutant une complexité et une profondeur à l’histoire. Les caractéristiques physiques des personnages sont brillamment stéréotypées, les objets et les gestes sont méticuleusement travaillés, et l’on ne peut s’empêcher de sourire lorsqu’on voit les villageois s’étonner d’une ampoule électrique, ou encore avoir un pincement au cœur lorsqu’on voit le personnage du clown sombrer dans l’alcool et la mélancolie d’une époque révolue. Grâce à l’expressivité des personnages, le film se passe de dialogues, et les clins d’œil, nombreux mais subtils, séduisent avec un humour intelligent. L’ensemble porte ce film au même rang que le cinéma muet de Chaplin, de Tati, ou de Keaton qui surent aborder des sujets forts et sensibles à leur société.