Des négociations sont en cours entre le Canada et l’Union Européenne (UE) en vue d’achever un Accord économique et commercial global (AÉCG). L’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), à Montréal, a publié dernièrement un rapport concernant ces négociations et les conséquences de cet accord au Canada. L’inquiétude principale exprimée par Alexandre L. Maltais, chargé du projet AÉCG, est que cet accord limitera la souveraineté économique du Québec.
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« L’AÉCG risque de causer une perte de souveraineté économique importante pour le Québec. Les restrictions contenues dans l’entente réduiront la marge de manœuvre des provinces en matière de marchés publics. Une moins grande flexibilité des règles concernant les contrats publics empêchera les autorités publiques québécoises de mener à bien des objectifs économiques, sociaux et environnementaux […] Cette entente emprisonnera les gouvernements dans une logique d’octroi des contrats au plus bas soumissionnaire » a déclaré le chargé de projet dans un communiqué de presse.
L’idée derrière l’AÉCG est de rapprocher, en libéralisant les échanges, la relation bilatérale, économique et financière déjà existante entre le Canada et l’UE. Dans la section 3.8 du rapport conjoint Canada-UE, Vers un accord économique approfondi, il est d’avis que tout accord devrait libéraliser les marchés publics –c’est à dire, les gouvernements provinciaux– dans chaque secteur, afin qu’ils ne favorisent pas des fournisseurs locaux par rapport aux fournisseurs étrangers.
Selon les opposants à cet accord, la politique d’approvisionnement des provinces canadiennes est en jeu. Qu’un gouvernement provincial soit le client de fournisseurs locaux est crucial pour le développement économique, social et écologique d’une région. « Dans l’Accord économique et commercial global, l’UE s’attaque directement à l’utilisation des politiques d’achat des gouvernements progressistes à l’échelle provinciale, territoriale et municipale et à divers services publics canadiens. Malheureusement, le gouvernement fédéral ne semble pas enclein à défendre ces outils de développement importants » explique Scott Sinclair dans un rapport publié par le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA).
Par ailleurs, Krzysztof Pelc, professeur d’économie politique à McGill, soutient que la mise en œuvre d’un accord tel que l’AÉCG ne pose pas de grand risque à la souveraineté économique des gouvernements provinciaux. « Quant à savoir si un tel accord pourrait nuire à la souveraineté économique du Québec ou du Canada, ce qui préoccupe beaucoup de gens, la question est mal posée, puisque conclure une entente telle que l’AÉCG est précisément une expression de souveraineté. Deux pays se mettent d’accord sur des règles qui régissent leur actions commerciales parce qu’ils pensent y gagner davantage qu’ils n’y perdent » explique le professeur dans un courrier électronique au Délit.
« La question fondamentale dont personne ne parle », selon Krzysztof Pelc, est la suivante : est-ce que le Canada devrait promouvoir le régionalisme, quand cela se passe nécessairement aux dépens du multilatéralisme ? Chaque accord régional signé, surtout entre deux pays développés, réduit un peu plus la probabilité d’un accord multilatéral. En effet, tous ces accords régionaux diminuent, du point de vue de leurs signataires, le coût d’un échec aux négociations multilatérales à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Les perdants, en bout de ligne, ce sont les pays en voie de développement, qui n’ont pas les moyens de défendre leurs intérêts dans des contextes bilatéraux. On peut donc se demander si, en signant l’AÉCG, le Canada ne tourne pas un peu le dos au cycle de Doha et à l’OMC ».