Écrite par l’irlandaise Marie Jones, Stones in his Pockets remporte un succès international depuis sa création en 1996, dont les prix Laurence Oliver et Evening Standard pour la meilleure comédie.
La pièce met en scène le bouleversement d’une petite communauté irlandaise alors qu’un plateau de tournage hollywoodien s’installe sur son territoire. La plupart des habitants sont alors engagés comme figurants dans le film et se voient à la merci d’un réalisateur et d’une régisseuse de plateau arrogants. L’histoire est centrée autour de deux jeunes hommes désabusés, Jake Quinn et Charlie Conlon, se sentant prisonniers de leur existence et s’accrochant au rêve américain. Jake revient aigri d’un voyage aux États-Unis, et observe avec colère les multiples clichés dont le film affuble les Irlandais. Puis, quand un adolescent du village se suicide à la manière de Virginia Woolf (en se noyant, les poches remplies de roches), le village secoué s’aperçoit que certains rêves ne sont que chimères et qu’il vaut mieux apprécier d’où l’on vient que de fantasmer sur des contrées lointaines et inconnues.
Le tour de force réside dans la distribution de la pièce : deux acteurs interprètent à eux seuls une quinzaine de personnages, sautant parfois de l’un à l’autre en l’espace de quelques secondes, sans changer de costume. Les talentueux Daniel Brochu et Kyle Gatehouse offrent une performance physique exemplaire, exploitant leur corps de façon remarquable pour se glisser dans la peau d’une célèbre actrice américaine, d’un adolescent toxicomane, d’un vieillard alcoolique, d’un réalisateur hautain et, surtout, des deux jeunes protagonistes. Leurs costumes, minimalistes, suffisent à donner le ton du récit. De plus, le mur de pierres véritables juxtaposé à l’écran sur lequel est projeté l’image des vertes collines d’Irlande permet judicieusement au spectateur de s’imprégner du décor. Andrew Shaver offre une mise en scène remarquble, mais sans grande originalité.
Malgré tout, la pièce Stones in his Pockets ne parvient pas à toucher profondément le public. La multitude des personnages interdit au spectateur d’apprécier la fable moralisatrice, tant il est occupé à comprendre chaque transition et les accents tantôt irlandais, tantôt américains. Ainsi, le suicide du toxicomane suscite de la pitié, sans plus. Toutefois, Stones in his Pockets vaut le détour, ne serait-ce que pour l’admirable travail des têtes d’affiche.