Le 11 février, le vice-président égyptien a annoncé que Hosni Moubarak transférerait ses pouvoirs aux forces armées. Les manifestants ont réclamé la démocratie, des réformes économiques et la fin de la dictature qui dure depuis des décennies. Après dix-huit jours de manifestations, soit moins de temps qu’ont pris les Tunisiens pour forcer Ben Ali à fuir, le peuple égyptien peut désormais se réjouir dans les rues du Caire.
Les plus grands experts en matière de transitions démocratiques s’entendent tous pour dire que le destin de l’Égypte reste incertain. Fin décembre, ils affirmaient que Ben Ali écraserait la révolte en Tunisie ; il a pourtant fui le pays le 14 janvier. Alors que, le 11 février, les manifestations continuaient place Tahrir, au Caire, certains analystes du Moyen-Orient doutaient d’une issue favorable à la situation égyptienne. L’on répétait sans cesse que l’Égypte était un cas différent de la Tunisie. A contrario, le peuple égyptien a réussi à renverser un système autocratique vieux d’une trentaine d’année en faisant fuir l’ancien chef d’État vers la station balnéaire très européenne de Charm el-Cheikh au Sinaï.
Le président Ben Ali a fui le 14 janvier, mettant fin à son règne de vingt-trois ans. Il aura fallu aux Tunisiens un mois de manifestations, et de nombreux morts. En Égypte, les citoyens ont aussi fait preuve de ténacité. Dénonçant une corruption et des conditions sociales inacceptables, ils ont manifesté pendant plus de deux semaines, comptant pour leur part 300 morts.
Certains, comme Roger Hardy, analyste pour le Centre Woodrow Wilson, rappellent que Hosni Moubarak n’a pas emporté les problèmes de l’Égypte avec lui, il les a plutôt abandonnés à l’armée. Plusieurs manifestations continuent, les Égyptiens réclamant des élections le plus rapidement possible.
Diane Éthier est l’auteure de nombreuses publications sur les processus de démocratisation politique, et elle enseigne au département de science politique de l’Université de Montréal ; elle estime que le chemin que suivra l’Égypte est encore incertain, et qu’il dépend de plusieurs facteurs. « Les transitions de l’autoritarisme vers un autre type de régime sont marquées par l’incertitude. Il reste la question de l’unification des mouvements d’opposition et leur capacité à coordonner leurs revendications et à accepter des compromis. Les prochains jours seront cruciaux. »
Les États-Unis, Israël, et l’Union Européenne surveillent de près ces événements qui pourraient changer de façon drastique la dynamique géopolitique du Moyen-Orient. Alors que le Président Obama qualifiait les citoyens égyptiens d’«inspirants », Nicolas Sarkozy, lui, appuie la décision « courageuse et nécessaire » de Moubarak. La chancelière Angela Merkel affirme partager la joie du peuple égyptien, et Stephen Harper a répété que l’avenir du pays reposait entre les mains du peuple. Pourtant, comme le rappelle Diane Éthier, l’influence des puissances mondiales jouera un rôle secondaire aux forces immédiatement impliquées dans la crise.
« Selon l’évolution du rapport de forces au sein du régime, entre les protestataires et le gouvernement, plusieurs options demeurent possibles. »