L’histoire
Ender (Ilker Aksum) et Cetin (Fatih Al) deux amis d’enfance, cohabitent tranquillement et avec complicité dans un appartement à Ankara. Quand un ami proche leur demande de s’occuper de sa sœur Nihal, interprétée par Günes Sayin, après le décès de leurs parents, les deux hommes acceptent de perturber leur quotidien sans réfléchir à l’impact de cette lourde responsabilité. Les rituels partagés par Ender et Cetin permettent néanmoins rapidement à la jeune fille de se sentir chez elle dans cet environnement rempli de tendresse et d’affection apparente. Alors qu’elle reprend doucement vie, les deux hommes protecteurs et attentionnés découvrent une belle jeune fille fascinante dont ils tombent amoureux. Loin de les séparer, cet amour commun les rapproche au contraire et renforce leur complicité. Un seul problème se pose, déclarer ou non leur amour…
« Un monde à part »
Les personnages de Our Grand Despair, particulièrement réalistes et touchants, sont interprétés par d’excellents comédiens. Ils réussissent avec une grande justesse à montrer deux hommes qu’une amitié sans faille, loyale et tendre, sans sexualité, lie. Malgré le caractère un peux « vieux couple de mariés » des personnages, les acteurs ont réussi à faire pénétrer le public au cœur de cette relation que rien ne peut briser. La subtilité des dialogues participe de cette réussite, puisqu’elle présente toujours les personnages unis jusqu’à dans leurs discours : il ne s’agit jamais d’un je et d’un tu mais bien d’un nous qui les défini, jusqu’à dans leur amour pour Nihal. Ainsi Ender dira « She might think she is in love with us. », s’englobant ainsi dans une globalité qui ne peut qu’inclure les deux hommes. C’est un peu « un monde à part » qui est représenté dans ce film, souligne Ilker Aksum en appuyant sur l’absence de sentiments homosexuels entre les protagonistes : « J’ai développé le sentiment que ce n’est pas de l’homosexualité, mais plutôt une famille. C’est une ambiance harmonique qui se dégage de leur relation. » Fatih Al quant à lui rapproche ceci de l’art : « C’est une autre façon de s’aimer, et une autre manière de le montrer. C’est une approche très puriste de l’amour. » Plus qu’un simple film sur des personnages ou un récit particulier (même si ces deux éléments sont parfaitement mis en scène), Our Grand Despair pose de nombreuses questions qui touchent le public bien après la tombée du rideau : dans quelle mesure est-ce possible et utile de définir nos relations ? Où se situent leurs frontières ?
Un découpage unique
L’une des particularités de la réalisation se situe dans le découpage des scènes qui ne finissent pas réellement ou sont régulièrement coupées. Cette façon de procéder était primordiale pour Seyfi Teoman qui cherchait à se concentrer sur des détails : « Je demande au spectateur de compléter ces scènes. » Cette méthode permet à Our Grand Despair de garder une franche subtilité et profite à chaque personnage, dont on devine la personnalité autant qu’on l’observe.
Inclassable, l’œuvre naît
Ce film est très difficile à définir, ce qui est un choix délibéré du réalisateur : « C’est un drame mais avec beaucoup de nuances d’humour. C’est comme la vie en fait. Un drame, ou un mélodrame. Ou peut-être qu’il n’est pas besoin de le définir. » Fatih Al confirme : « Le film cherche à rendre une image de la réalité. » Jouant avec les clichés régissant les relations entre hommes et femmes, Our Grand Despair remet en effet en question notre perception de la famille mais aussi du cinéma. En effet, un parallèle peut être fait, très simplement, entre la relation qui lie ces deux hommes, à la frontière de l’amour et de l’amitié sans être uniquement l’un ou l’autre, et le film, à la frontière des genres, entre comédie, drame et tragédie.
Our Despair est un véritable coup de cœur, une douce tragicomédie simple et drôle.