Symbole de la victoire des Anglais sur les Français, la couronne britannique n’a jamais vraiment occupé une place de choix dans le cœur des Québécois.
Déjà en 1964, le Québec s’était levé contre la venue de la Reine Elizabeth qui, fait rarissime, avait prononcé un discours devant l’Assemblée Nationale à Québec. L’émeute est sévèrement réprimée et le matraquage des manifestants par la Police provinciale a donné son nom à l’événement, le samedi de la matraque.
En novembre 2009, plusieurs centaines de manifestants avaient perturbé la venue du Prince Charles à Montréal. Encore une fois, l’escouade antiémeute avait été appelée à intervenir.
Quelles sont donc les revendications de ces Québécois qui n’entendent pas la musique royale de cette oreille ?
Très vocal, le Réseau de Résistance du Québécois (RRQ), groupe souverainiste considéré comme faisant partie de la frange extrême du mouvement, semble mener la fronde. Il compte « aller à la confrontation avec tout ce qui représente l’occupation du Québec ». C’est ce qu’explique Patrick Bourgeois, président du RRQ. Pour lui, même si « ça n’est qu’un symbole, ça a de l’importance ».
« Pour le Réseau de Résistance et les indépendantistes en général, la couronne d’Angleterre rappelle de bien tristes événements. C’est au nom de cette couronne que le Québec a été conquis et soumis par la force des armes en 1759. C’est au nom de cette même couronne que les Patriotes de 1837–1838 ont été emprisonnés, déportés et pendus. » Le RRQ va même plus loin et élargit son horizon en reprochant à la monarchie britannique d’avoir « assujetti et exploité » en Afrique et en Asie. Le réseau fait même référence au conflit en Irlande du Nord.
« Jamais nos militants n’accepteront qu’une tête royale, foule le sol du Québec en toute impunité. »
C’est donc couplé au discours indépendantiste que les arguments antimonarchistes se développent. Pour autant les principaux partis souverainistes ne semblent pas vouloir commenter.
Contacté à plusieurs reprises, le Bloc Québécois n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Plus direct, le porte-parole du Parti Québécois expliquait au Délit que son Parti n’est « même pas intéressé à faire évoluer le lien entre le Canada et la couronne britannique. Notre seul objectif, c’est sortir du Canada. »
Ouvertement favorable à la monarchie, le parti libéral du Canada est « pour le maintien du système actuel ».
Si la plupart des partis institutionnels n’appelleront donc pas à manifester en juin lors de la venue du Prince William et de Kate Middleton, le RRQ, avec tout au plus quelques milliers de militants et de sympathisants, a pourtant une force de frappe conséquente.
Patrick Bourgeois le rappelle : « Nous avons infligé une humiliation en novembre 2009 lors de la venue du Prince Charles à la caserne du Black Watch à Montréal. Il a dû passer par l’entrée des poubelles. » Cette année encore, le RRQ a déjà annoncé par voie de communiqué qu’il « réserverait au Prince William le traitement royal qu’il mérite ».
En somme, ces visites royales sont une affaire rentable pour le RRQ. Patrick Bourgeois se rappelle qu’en 2009 déjà, la presse du monde entier s’était faite l’écho de la mobilisation contre le Prince Charles. « Nous avions reçu de nombreux soutiens, des nouveaux militants et des dons. Grâce à 2009, on sera en mesure d’envoyer des bus en juin. »
Cela permet aussi au RRQ d’entrer sur la scène politique fédérale. Le premier ministre du Canada s’assure du bon déroulement des visites royales et il redoute sans doute déjà ce que préparent les militants du RRQ.