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Un mal à extirper

Avec Canine, le réalisateur grec Yorgos Lanthimos, lauréat du prix Un certain regard à Cannes en 2010, nous propose un film satirique et violent qui sort des sentiers battus.

Gracieuseté du Cinéma du Parc

Un père, une mère, trois enfants mènent une vie paisible dans une banlieue où règne un calme inquiétant. C’est le tableau choisi par le réalisateur grec Yorgos Lanthimos pour nous présenter un film psychédélique qui repousse les limites du cinéma. Avec Canine, Lanthimos propose un film qui met en scène la brutalité d’un homme. L’homme en question est le père d’une famille atypique, qui élève, avec la complicité de sa femme, ses enfants dans un confinement total. En effet, chez eux, la salière se nomme téléphone et les avions dans le ciel sont de simples jouets prêts à tomber à n’importe quel moment dans le jardin. Ces enfants, qui sont de jeunes adultes, n’ont jamais mis les pieds à l’extérieur de la villa somptueuse dans laquelle ils vivent. Ils ont donc grandi dans un cadre absurde qui a éveillé en eux des pulsions quasi-meurtrières les entraînant dans une farouche compétition dont le but premier est d’avoir le plus de points et donc la satisfaction du père. La seule personne étrangère au clan autorisée à fréquenter la famille est Christina, une jeune femme engagée par le père pour assouvir les besoins sexuels du fils. Cette histoire ressemble étrangement à une mauvaise expérience scientifique. Le scénario expose donc des personnages qui vivent dans une dynamique de huis clos, quand un événement bouleverse à jamais cette quiétude.

Gracieuseté du Cinéma du Parc

Yorgos Lanthimos ne laisse donc personne indifférent avec son film. Le génie de Canine réside justement dans l’audace expérimentée dans un cadre cinématographique nouveau dans lequel on a la nette impression que les acteurs, qui travaillent plus avec leur corps qu’avec leurs facultés intellectuelles, se laissent guider par leur instinct pour laisser le spectateur dans un vide psychologique. L’univers qui nous est proposé (une immense maison, un magnifique paysage, un soleil omniprésent) tranche avec l’enfermement que subissent les personnages. On peut noter aussi l’importance de la réflexion apportée par cette œuvre sur le concept traditionnel de famille, que Lanthimos défie directement. On assiste donc à une distorsion de l’unité familiale qui cesse d’exister dans l’organe social traditionnel que nous connaissons.

En ce qui concerne la photographie, Lanthimos met l’accent sur les réactions furtives des personnages. La peur est explorée dans les faciès ; l’angoisse se lit sur le visage des parents qui ne veulent pas perdre le contrôle dans une maison où les bouleversements poussent à la rébellion. La lumière qui vient de l’extérieur s’oppose à la pesanteur de l’intérieur. Canine n’a pas fini d’être acclamé par la critique internationale et reste un film à surveiller, après sa nomination dans la catégorie du meilleur film étranger aux Oscars.


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