Déficit zéro dans deux ans ! Cet objectif, le gouvernement libéral y tient mordicus. Le budget présenté par le ministre des Finances aborde deux points importants : les étudiants et les ainés. Le ministre a présenté d’autres programmes comme la création d’Exportations Québec, l’augmentation du financement pour des projets culturels, les détails du Plan Nord, l’augmentation des redevances des entreprises exploitant les ressources naturelles et un plan de financement des universités.
Dans ce plan, le ministre a annoncé la mise en place d’un cadre financier structuré pour les universités. Ce cadre répondra à quatre objectifs : assurer le financement des universités, répartir équitablement la contribution de chacun, maintenir l’accessibilité aux études et conclure des ententes de partenariats entre les universités et le secteur privé.
Pour assurer le financement des universités, le gouvernement a annoncé que celles-ci disposeraient de revenus additionnels totalisant 850 millions de dollars en 2016–2017. Le gouvernement a aussi affirmé un engagement de 430 millions de dollars. Ainsi, le gouvernement demande aux étudiants d’augmenter leur contribution. Actuellement, les étudiants québécois contribuent à un taux de 12,8% à leur formation ; le ministre souhaite augmenter cette contribution à 16.9% par une hausse des frais de scolarité de 325 dollars par année sur cinq ans à compter de l’automne 2012.
Cette augmentation représente 1625 dollars sur un horizon de cinq ans. Les frais de scolarité de 2168 dollars en 2011–2012 (selon les documents officiels du gouvernement) seront remis aux droits de 1968 indexés à l’inflation, et s’élèveront à 3793 dollars pour 2016–2017. Le gouvernement a toutefois assuré que, à travers l’aide financière aux études, 35% des revenus provenant de la hausse des frais de scolarité seraient retournés aux étudiants en prêts et bourses. Ce qui correspond à 118 millions de dollars dédiés à l’aide financière aux étudiants. Dans le même esprit, le Ministre Bachand a annoncé que tous les étudiants boursiers bénéficiaires du programme des prêts et bourses seront complètement compensés pour la hausse et éviteront davantage d’endettement.
Pour assurer une continuité dans l’accessibilité à l’éducation, le gouvernement a annoncé que la contribution demandée aux parents ou au conjoint, prise en compte pour le calcul de l’aide financière aux études sera réduite. De plus les universités devront prendre des engagements de performance pour s’assurer que les fonds transmis aux universités soient alloués à l’amélioration de la qualité de l’enseignement et la recherche.
Le plan de financement prévoit une hausse des dons des entreprises par la mise sur pied de Placement université, programme presque calqué sur l’actuel Placement culture, selon lequel les dons recueillis par le financement du secteur privé par les universités seraient assujettis à une subvention gouvernementale pour favoriser la philanthropie.
Le Délit rencontre…
Maripier Isabelle : Présidente de la Commission-Jeunesse du PLQ
Selon Maripier Isabelle, la hausse des frais de scolarité est raisonnable parce qu’elle répond aux deux objectifs mis de l’avant par la Commission Jeunesse pour assurer la pérennité du système d’éducation postsecondaire : « s’assurer qu’un diplôme du Québec vaille autant qu’un diplôme américain ou européen, en lui donnant plus de moyen financier, et d’assurer l’accessibilité par une réforme de l’aide financière aux études (AFE), un abaissement de la contribution parentale, une plus grande flexibilité pour le remboursement de la dette avec plus de crédits d’impôts et une extension de la période de remboursement des prêts ».
De plus, elle précise que pour la CJPLQ la hausse est acceptable, mais que ce n’est pas uniquement le chiffre qui compte, mais bien toutes les mesures autour de la hausse pour assurer que l’accessibilité et l’excellence soient conjugués et non opposés. « La CJPLQ a déposé un mémoire sur l’éducation le 6 décembre où elle prônait, entre autres, une plus grande place au financement du privé » précise-t-elle. Le mémoire prônait aussi un remboursement proportionnel au revenu (RPR) pour la dette étudiante, mais qui n’a pas été mis de l’avant dans le dernier budget. Toutefois, Maripier Isabelle précise que « la CJ va continuer de militer en faveur du RPR et reste ouverte à la discussion avec les associations étudiantes pour rendre plus efficace l’AFE ». Elle conclut que l’éducation est un projet de société auquel tout le monde doit prendre part, autant le gouvernement, les entreprises privées et les étudiants, car tous bénéficient et profitent d’une main d’œuvre d’excellente qualité.
Joël Pedneault : vice-secrétaire général de la Table de la concertation étudiante du Québec
Selon Joël Pedneault, « considérant toutes les options et les alternatives autres qu’une hausse des frais de scolarité, ce n’est pas raisonnable qu’en dix ans les frais vont doubler et que même en suivant le discours du gouvernement qui veut nous faire croire qu’on rattrape quarante ans de retard au niveau de l’inflation en quelques années, c’est aberrant sur tous les niveaux ».
Il souligne que le gouvernement devrait au moins revoir le règlement pour empêcher l’augmentation des frais afférents pour qu’avec la hausse des frais de scolarité, la facture totale n’augmente pas en flèche. Pour la TaCEQ et son représentant, l’alternative à la hausse est une taxe sur la masse salariale des entreprises comme une contribution fiscale obligatoire et s’inspire du modèle qui finance la santé. « Les mot-clefs ici sont ‘‘contribution fiscale obligatoire’’ car il faut rester équitable et que la taxe sur la masse salariale doit être instaurée de la même manière que celle sur la santé. »
Il poursuit en affirmant que la hausse des frais de scolarité va produire une contre intuition : les personnes hésitantes n’entreront pas et selon lui le modèle proposé fera en sorte que seuls les gens qui peuvent se permettre financièrement d’aller à l’université iront. Il ajoute que la bonification de l’aide financière aux études ne doit pas cautionner la hausse des frais de scolarité. De plus, Joel Pedneault affirme qu’une bonification de l’aide financière aux études ne doit pas servir de prétexte et cautionner une hausse des frais de scolarité.
Myriam Zaidi : Vice-présidente des affaires externes à l’AÉUM
Selon Myriam Zaidi, la hausse de 325$ par année pendant cinq ans n’est pas raisonnable. De plus, le rapport du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport de 2007 présentait que même si on compte sur des crédits d’impôts et une plus haute aide financière, la hausse des frais de scolarité affecterait l’accessibilité » rappelle Myriam Zaidi. La classe moyenne se trouve dans un entre-deux : les riches pourront continuer de payer et les personnes moins bien nanties pourront bénéficier des prêts et bourses.
Comme alternative à la hausse des frais de scolarité, Myriam Zaidi propose d’augmenter les impôts des entreprises qui sont actuellement à 0% sur les gains en capital. De plus, la vice-présidente confie qu’il n’y aura aucune grève pour les trois dernières semaines de cours, mais pour l’automne il faut s’attendre à plusieurs actions de l’AÉUM contre la hausse des frais de scolarité. De plus, « l’Université McGill a toujours été contre les contrôles du gouvernement sur les administrations universitaires, mais c’est sûr qu’il y a un problème de dépenses internes ici à l’université et justement les députés de tous les partis confondus ont souligné et ont rappelé à l’ordre la vice-chancelière Heather Monroe-Blum, lors d’une commission parlementaire en automne dernier, pour s’assurer que sa priorité soit sur la qualité de la formation. Justement, cela n’était pas sa priorité autant que les autres universités » poursuit Myriam Zaidi.