Avec Madame Louis 14, cette pièce qu’elle a écrite et mise en scène, et dans laquelle elle est la seule interprète, Lorraine Pintal raconte l’histoire incroyable de Françoise d’Aubigné et de son ascension au pouvoir.
Dans la peau de celle qui conquerra le cœur du Roi Soleil, la soliste partage ses mémoires empreints de rires et d’amertume. Elle nous entretient de la haute société, de l’atmosphère à la cour et de ses relations amoureuses –l’amour dépourvu de désir charnel avec le poète Scarron, de vingt-cinq ans son aîné, l’amour adoratif pour Ninon Lenclos, et le grand amour partagé avec Louis XIV. À travers ce discours qu’elle adresse directement aux spectateurs, Françoise d’Aubigné raconte surtout comment elle, une femme, ce « sexe faible », est parvenue, suite à sa gouvernance des bâtards du roi, à s’immiscer au sein du pouvoir, à exiger que les jeunes filles soient, elles aussi, éduquées et à fonder le Couvent Saint-Cyr.
Inspirée d’extraits de biographies, de correspondances et de nombreux écrits de l’époque, la pièce Madame Louis 14 dresse un portrait exceptionnel de celle qui reprit le titre de marquise de Maintenon. Une femme qui, par sa beauté et sa personnalité, a su briller au sein de la cour, mais qui n’était cependant pas à l’abri de l’injustice ni de la réprobation sociales –on aimait peu qu’une femme, épousée dans le secret, exerce tant d’influence sur le roi– ni d’une foi chancelante face à la mort.
L’espace de jeu est surplombé, à l’arrière et en angle, d’un grand mur composé de miroirs qui renvoient une image légèrement difforme de la vieille marquise. La scène, plutôt dépouillée, est occupée par une chaise d’époque, un tapis –qui n’est déroulé que lorsque Françoise d’Aubigné raconte son entrée à la cour du roi et que le visage de Louis XIV y est projeté, comme une tapisserie– et trois objets-instruments, les « synchronos ».
Créé par Philippe Ménard, le « synchronos » permet à la musique programmée d’être activée sous le mouvement des doigts de la comédienne. Cette recomposition musicale et sonore par Simon-Pierre Gourd, avec ses sons de clavecin et de flûte, évoque bien le XVIIe siècle, mais s’insère un peu maladroitement dans le dialogue entre la comédienne et le public. Minuscules ruptures, ces jeux de doigts donne à la courtisane l’allure d’une diseuse de bonne aventure.
Heureusement, celle qui a entrepris toute seule cette œuvre il y a vingt-trois ans et qui l’a reprise cette année est poignante par la justesse de son jeu. À travers les douze tableaux intitulés « jardins », elle retrace le parcours méconnu de la marquise de Maintenon, une histoire cachée de l’Histoire, et donne voix à une femme étonnante.
Pour illustrer le pouvoir invraisemblable qu’a eu Françoise d’Aubigné sur la cour du roi de France, Lorraine Pintal a pris le plein contrôle de la scène, pour le meilleur et le pire, mais surtout pour le meilleur. Une performance à voir.
Retrouvez l’entrevue avec Lorraine Pintal dans l’édition du 1er mars 2011.