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Il est un pays superbe

Il est un pays superbe, où la Dame blanche est reine, que j’aime à visiter. On pourrait l’appeler l’Orient de l’Occident, ou l’Europe asiatique, tant la fantaisie s’y est répandue et y monte aux murs avec le lierre. Tout y est beau, riche, paisible, honnête.

 

On y boit une liqueur épicée qui agite les papilles et exalte le cœur. On y chasse le sanglier et le faisan, que l’on accompagne de groseilles et de forts vins rouges du terroir. Toutes les mères y font les meilleurs sushis du monde. L’air y est brumeux, convivial et frais. Un pays où le luxe aime à se fondre dans l’ordre, où la vie est douce à respirer. Un foyer spontané où l’imprévu est roi ; dans lequel le bonheur est marié au silence. Les logis y ont des toits de chaume et tous une cheminée, autour d’elle les habitants passent leurs dimanches à jouer aux cartes. L’herbe est verte et libre, les taupes, en paix. Tout y est riche, limpide. La vie y commence tôt le matin. C’est un pays qui te ressemble, mon ange.

Il existe une ville là-bas aussi. Elle est majestueuse et il peut s’y passer mille vies différentes. Une église trône du haut d’un quartier mal famé, l’un des plus charmants de la ville. Un fleuve longeant Palais et cathédrales coupe la cité en deux. Au Nord, les rues sont larges, bordées de grands chênes là depuis deux cents ans. Chaque avenue dévoile un trésor, et l’architecture est somptueuse. Baudelaire a écrit L’invitation au voyage qui me permet de t’inviter. Au Sud, les merveilles sont plus discrètes, plus simples. Un magasin de macarons, une ruelle, un banc, et une odeur de poulet au citron. Deux quartiers te plairaient. L’un blanc comme neige, où l’eau envahit les fontaines. Les rues sont étroites et pleines de restaurants où les verres cassent et se remplissent, entre les rires et les disputes. Plus loin, les quais, sur lesquels même les vagabonds dormant sous les ponts sont romantiques. Quelques originaux vendent des livres, des oiseaux, des peintures devant les terrasses pleines. L’autre quartier est plus petit, plus calme, et les cafés ne sont remplis que d’habitués. De petits immeubles abritent des chambres de bonnes, et le clochard, que tout le monde salue, est là depuis trente ans et connaît tous les ragots du coin. Si l’on pousse une lourde porte verte, on entre dans une petite cage d’escalier rouge et pauvre en décoration, un cactus seulement. Au premier, un petit appartement chaud et discret, seul et au cœur de tout. C’est là qu’il faut vivre, c’est là qu’il faut aller mourir.

Tu connais cette maladie fiévreuse qui te dévore le soir et te laisse seul au monde ? Cette nostalgie du pays et cette angoisse de la curiosité ? Il est une contrée qui te ressemble, belle, riche, tranquille. Pour les vacances, il y a la côte. Une plage de sable bordée par un parquet. Tous tes amis y habitent. Le soleil chauffe les dos malgré le vent. La rue principale est succession de friandises, de chocolats, de crêpes et de sucettes, et les gens boivent trop le soir. Des déjeuners sont parfois installés sur la dune. C’est là-bas qu’il faut aller vivre ! Et allonger les heures par l’infini des sentiments.

Des rêves ! Encore des rêves ! Et plus l’âme est aspirante et tendre, et plus le voyage l’éloigne du possible. Car ce sont mes rêves, mon ange, qui dorment sur ton sein. L’air frais, les palais, les sucettes, c’est toi. Ce qui parcourt mon âme le nez dans ta chevelure, l’odeur de ta sueur, la courbe de ton cou. Ce pays, c’est toi dans mon esprit. Le voyage que je fais chaque jour plusieurs fois.

Benjamin Barnier


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