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L’autre visage de la manif

Aujourd’hui, le mécontentement et les revendications s’expriment sur la toile.
Le refus de la hausse des frais de scolarité, version 2.0.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

« Internet est de plus en plus un média incontournable pour rejoindre les gens », affirme Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de l’ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante). Le groupe, qui a récemment produit les vidéos « Mathieu contre la hausse des frais » et « Lauriane contre la hausse des frais » partagées sur YouTube, a su rejoindre et susciter les étudiants à participer au débat.

Jeudi dernier, 60 000 étudiants étaient en grève, rappelant ainsi au gouvernement que leur mécontentement ne s’apaiserait pas. Le 17 mars, le ministre des Finances, Raymond Bachand, a annoncé que les frais de scolarité des étudiants québécois augmenteront de 325 dollars par année sur cinq ans ; une hausse totale de 1625 dollars qui maintiendrait néanmoins le Québec en deça de la moyenne canadienne, entend-on marteler.

Depuis cette annonce, les militants étudiants occupent les bureaux du gouvernement, se présentent aux réunions et au congrès du Parti Libéral du Québec, manifestent dans les rues. On ne retient souvent que le côté perturbateur et violent de ces actions, et on néglige parfois de rappeler l’enjeu. Une vidéo cependant remet le « jeu » dans la formule : « L’envol – Démonstration publique ».

Thomas Szacka-Marier

Le 30 mars, de nombreux étudiants ont rempli l’agora de l’UQAM et ont lancé des avions de papier, pliés à partir de factures des droits de scolarité, pour symboliser leur opposition à la hausse des frais. Un geste collectif filmé, édité et largement partagé sur Facebook et YouTube. « C’est un bon moyen de porter le message du refus hors des murs de notre université », témoigne Simon Grégoire, qui a eu l’idée originale pour la vidéo.

Ce nuage d’avions, loin d’être une « action typée » tel que pourrait l’être la manifestation rappelle-t-il, semble être mieux reçu que d’autres vidéos militantes, si on se fie au nombre de likes et dislikes par rapport au nombre de vues. Même s’il peut effacer des commentaires désobligeants, Simon Grégoire assure que ce n’est pas à lui de contrôler la discussion. Il soutient que « c’est une action portée par une coalition d’acteurs, [que] c’est le fruit d’un mouvement social, [que] la communauté étudiante s’était mobilisée et [qu’elle] s’est chargée de répondre ».

Étudiant en sciences politiques à l’UQAM, Simon Grégoire sait lui aussi très bien qu’il existe « mille moyens de manifester » et de sensibiliser les gens, et que l’Internet est une des clés. « Ce n’est plus un secret pour personne, les réseaux sociaux, c’est magique ; ils l’ont tous compris en l’Afrique du Nord et au Maghreb. Ici, je pense qu’on en est au balbutiements du potentiel de ces réseaux » dit-il.

Pascale Nycz

Un sacré « pari » que Simon Grégoire a pris avec ses amis (Fred Fortier, Félix Lamoureux, Nicolas Moreau, Pascale Nycz, Thomas Szacka-Marier), car même s’ils étaient nombreux à dire qu’ils seraient présents sur Facebook, rien ne garantissait que ces étudiants seraient au rendez-vous mercredi dernier. Pourtant, ils étaient « suffisamment là pour remplir l’agora » confirme l’étudiant avec sourire. « On voulait faire lumière sur le mouvement, que ça aille au-delà des universités. » Simon ajoute que « c’est de l’art engagé, utile, citoyen ». « L’art est absolument rassembleur », conclut-il.

Cette manière différente de s’affirmer au sein de l’espace public, qui perturbe peut-être moins le quotidien des gens mais poursuit le débat, est sans aucun doute à suivre au cours de la prochaine année.


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