Ces deux photomontages s’inspirent de la pratique de certains photographes qui surpassent l’étiquette du réalisme pur, qu’on associe très souvent à la photographie. Comment déjouer le réel en photographie, ou plutôt, comment rendre visible une réalité qui nous paraît disparate et difficile à reconstituer dans le cadrage exigé par l’appareil photo ?
C’est en retournant cette question dans tous les sens que le choix de la superposition d’un portrait et d’une nature morte s’est finalement imposé. L’inertie du monde végétal, représentée par l’orchidée dans son vase et les primevères plantées artificiellement, a pour but d’entrer en harmonie avec les postures féminines. C’est une sorte de tentative de réconciliation entre l’être humain et le monde naturel qui l’entoure, à l’heure où la nature fait les frais de la course au profit incessante des peuples dits civilisés.
J’ai toujours été fascinée par les coïncidences visuelles de la vie quotidienne, ces épisodes éphémères qui semblent narguer l’objectif déjà en retard de quelques secondes. Qu’il s’agisse d’une ombre projetée sur une façade lorsque le soleil se glisse derrière l’horizon, de la silhouette d’un passant se reflétant à travers la matière vitreuse d’une fenêtre ou encore du reflet incomplet de son propre visage devant le miroir embué par la chaleur de la douche qu’on vient de prendre, toutes ces apparitions établissent une relation intime avec leur observateur.
L’objectif de cette série photo était de proposer une représentation, et non une reproduction, de cette intimité furtive entre l’être humain et son environnement. Ces portraits tentent de modéliser cette impression d’exclusivité que l’individu capte de manière éphémère, et non de reconstituer telle ou telle scène en particulier. C’est pourquoi le terme de représentation semble être plus adapté que celui de reproduction. Ces portraits ont ainsi pour mission d’aller à la rencontre des émotions de la personne qui leur fait face par leur esthétique, plutôt que par le message qu’ils pourraient véhiculer.Margaux Meurisse