Connu pour ses méthodes de narration éclatée et son attrait pour le renouvellement du rapport entre le lecteur et la bande dessinée, Jean-Paul Reid offre avec Le fond du trou un nouvel exemple de son imagination débridée et excentrique. Comme Carton, cette bande dessinée fonctionne sur cette idée de réguliers allers-retours entre les pages du récit.
Bel album à couverture rouge, Le fond du trou aurait pu passer inaperçu s’il n’y avait un véritable trou dedans. Un trou pour le moins intriguant, puisque le lecteur se demande immédiatement s’il est purement commercial, destiné à attirer les regards, ou s’il se justifie à chaque page, dans le dessin comme dans le récit.
La bonne surprise, c’est que dès les premières planches, le trou s’avère être partie intégrante de l’histoire, étant par exemple régulièrement utilisé par les personnages pour passer subrepticement d’une page à l’autre. Parce que c’est bien de voyage dans le temps de la bande dessinée dont il s’agit dans ce récit pour le moins compliqué. Tout commence avec Jérôme Bigras qui, bien installé devant sa télévision, ressent un gros « Scrape », ce qui avertit le lecteur et le pauvre Jérôme de l’arrivée fracassante du boss des Bécosses, dit Bricolo. Une arrivée qui va bouleverser ce qu’on devine comme le train-train quotidien du protagoniste.
Si l’utilisation du trou est constamment originale et réussie, l’histoire, tirée par les cheveux, semble moins intéressante que l’idée même du projet. On regrette que le défi audacieux que s’est imposé Eid n’amoindrisse la qualité du dessin et du récit. Malgré cela, avec un début qui renvoie à la fin (et vice-versa), des personnages qui convoquent d’autres bandes dessinées, des références à l’actualité et de nombreuses blagues sur notre société de consommation, Le fond du trou reste un album intelligent et complexe, rempli d’acrobaties scénaristiques qui sauront en fasciner plus d’un.