« Conforme aux exigences de bon goût de la classification canadienne des marchandises », Carton intrigue tout en humour le lecteur dès l’atterrissage dans le champ de vision. Sobre, la couverture marron style cartonné mentionne le titre, la maison d’édition, les auteurs, ainsi que cette curieuse mention « ISBN 978–2‑922585–82‑7 ; 32 copies par boîte ; imprimé au Canada » annoncent l’originalité de ce projet collectif sur l’érotisme.
John Martz ouvre et clôt l’ouvrage avec « Carton » qui raconte le parcours de plusieurs revues érotiques volées par un petit garçon lors d’une visite chez ses grands-parents. Son récit en noir et blanc, sans paroles, dans un dessin plutôt naïf, est interrompu tout d’abord par « La cabine à un œil » de Benjamin Adam. Dans ce récit haut (et rose) en couleur, rempli d’humour, des adolescents évoquent et découvrent leur sexualité à la piscine. Après avoir retrouvé l’espace d’une page le petit voleur de revues érotiques, le lecteur se verra plongé dans la courte histoire d’un marin fumant la pipe et cherchant de la compagnie. « Sexy sea », le texte signé Nicolas Mahler, sans paroles et en noir, blanc et bleu, est particulièrement réussi lui aussi.
Après un nouvel interlude « martzien », les quelques dessins de « Pinup – Ce qui fait tourner le monde depuis toujours », par Pascal Blanchet –passage obligatoire d’un livre sur l’érotisme– manquent d’originalité. Même la double page centrale, qui se déplie pour dévoiler une femme dessinée de dos, dans une position sobrement suggestive, ne convainc pas vraiment, faute d’excentricité, de fraîcheur et d’extravagance.
Pascal Girard offre à la suite de Blanchet un bijou d’érotisme coloré en jaune, noir et blanc avec « L’Acousticophile ». Son personnage, Pierre, qui enregistre les gémissements de sportives pour les écouter la nuit afin de sonoriser ses fantasmes et rêves érotiques, ne peut que vous séduire, comme la plupart des personnages de cet auteur qu’on lit décidément toujours avec plaisir. Peut-être est-ce la qualité de l’histoire et du dessin de Girard qui ternissent l’histoire suivante, « Partie de chasse », fantasme peu original et presque sans intérêt d’un chasseur en vacances, scénarisé par Edouard H. Bond et dessiné par Mélanie Baillairgé.
Les récits, entrecoupés et reliés malgré leurs différences, forcent le lecteur à revenir en arrière, à relire, à se balader dans les pages, à les feuilleter, à jouer, réellement, avec l’objet-livre. Ce que l’on retiendra donc de cet ouvrage, à part le talent évident de certains de ses créateurs, c’est la réussite du travail collectif des auteurs et éditeurs.