Dans l’une des plus belles salles du Louvre, sous le regard du Napoléon de David, un dîner privé s’organise en l’honneur d’un politicien à l’aube de la retraite. Une voix hypocrite et isolée qui semble sortir de la pénombre constate la fascinante et étrange ressemblance entre les invités et les personnages qui les entourent. Cette voix distante, est celle d’un vieux politicien qui ne veut pas être le centre d’attention et qui s’échappe avec deux bouteilles de vin pour aller contempler ses toiles préférées, à l’abri des regards. Lors de sa fuite dans les couloirs endormis et silencieux du gigantesque musée, ce personnage aux allures de François Mitterand rencontre une jeune femme. Cette apparition soudaine, mystérieuse et délicieuse, est une sorte de muse –peut-être sortie d’un tableau– que lui seul semble pouvoir voir et toucher. Une virée poétique s’entame pendant laquelle les deux visiteurs nocturnes partagent leur amour inconditionnel pour l’art et le bon vin.
Dans ce récit, Christian Durieux prête au Louvre une ambiance fantasmatique qui ne fera sans doute pas l’unanimité mais qui reste de qualité, dans le dessin comme dans l’imaginaire évoqué. Pour faire plonger ses lecteurs dans une atmosphère mi-rêve mi-réalité, l’artiste nous offre des dessins détaillés et élégants. La sobriété des décors s’oppose avec justesse à la richesse des tableaux reproduits tandis que les personnages de l’album se confondent eux-mêmes avec les toiles des grands maîtres exposés au Louvre. Il est indéniable que l’artiste belge a réussi à créer des échos habiles entre le musée et sa propre histoire par le biais de ses personnages. Ceux-ci sont d’ailleurs attachants par leur caractère mystérieux, ce qui les sauve des clichés qu’ils incarnent à diverses reprises. On pourrait reprocher à l’histoire d’être un peu maigre, mais cette sobriété de contenu semble faire partie intégrante du projet de l’auteur, qui offre une simple et poétique errance narrative.
Parution le 5 octobre 2011.