Le sujet de l’indépendance énergétique au Québec est d’autant plus débattu que, dans le contexte actuel d’une crise financière internationale, notre province seule dépense annuellement plus de onze milliards de dollars dans l’importation de pétrole. Sachant que cette somme est doublée lorsqu’on y additionne l’importation de gaz naturel et d’automobiles, cela revient à estimer que la moitié de notre budget provincial annuel est consacré au maintien de l’industrie automobile ! Ce qui est d’autant plus révoltant quand on connaît l’état de nos infrastructures, datant pour la plupart des années 60 et 70. Par exemple, en juillet 2007, le Département des transports du Québec a déclaré pas moins de 135 viaducs potentiellement instables.
Ce vendredi, lors du Dialogue science et politique, quatre conférenciers ont proposé leurs projets visant à électrifier notre système de transports publics, en vue de mettre à profit notre énergie renouvelable. L’ancienne ministre de l’énergie du Québec, Rita Dionne-Marsolais, a tout d’abord souligné l’urgence de remplacer le système de camionnage individuel par le transport ferroviaire. Le hic, c’est que ce dernier appartient malheureusement au gouvernement fédéral, qui a eu la bonne idée de vendre notre chemin de fer à des compagnies privées, auxquelles il prévoit à présent le racheter (plus cher, évidemment) pour le transformer partiellement… en pistes cyclables. Autrement dit, on prévoit de transformer un système de transport public efficace du XIXe siècle en un système de transport individuel à peine plus efficace que le cheval, datant lui aussi du XIXe siècle. Comme avancée scientifique, franchement, il y a mieux !
Yves Lavoie, président du réseau des ingénieurs du Québec, et Dominique Sorel, membre du centre d’écologie urbaine de Montréal, nous estiment quant à eux chanceux que nos transports soient en train de s’écrouler, puisqu’il s’agit d’une opportunité en or de rebâtir notre infrastructure de manière plus intelligente. Monorails interurbains, tramways, autobus électriques ; les projets ne manquent pas en vue d’assurer une transition « agressive » vers le tout électrique.
Les véhicules individuels ne sont pas en reste, comme l’a rappelé le consultant d’Amarok Michael Uhlarik. Le marché des voitures hybrides et les motos électriques est en pleine expansion, et la technologie du tout électrique n’en est qu’à ses débuts –ce qui signifie qu’avec l’investissement nécessaire, nous devons nous attendre à des percées majeures dans les prochaines années. Encore faut-il mettre de côté l’idée que l’Occident occupe la première place dans la course aux nouvelles technologies. Mais nous ne devrions pas nous étonner d’apprendre que des pays comme la Chine et l’Inde devraient nous servir d’exemple, car si nous voulons un jour atteindre l’indépendance énergétique, il faut tout d’abord investir dans notre production locale, au lieu de délocaliser constamment nos manufactures et d’exporter une part importante de notre énergie électrique –pour en importer par la suite, et plus cher qu’on ne la vend !
Précisons ici que tous ces problèmes relèvent tout autant du domaine de la science que de la politique, car la science elle-même n’avancera pas si la volonté politique de réaliser des grands projets fait défaut. Dans son discours de clôture donné au Thomson House (pour ne pas devoir traverser les lignes de piquetage), Thomas Mulcair a déclaré qu’il y a autant d’idéologies dans la science que dans la politique, et que par conséquent, le devoir des citoyens est d’intervenir dans les débats et de manifester la volonté d’investir dans l’innovation. Madame Dionne-Marsolais, pour sa part, estime que dans un contexte où les jeunes ne votent pas et placent leur opinion du côté des médias, il ne faut pas attendre d’avoir la permission du public pour initier le changement. « Il n’y a pas un métro qui s’autofinance » rappelle-t-elle. « Sommes-nous prêts ? Non ! Mais on doit le faire pareil ! » Quitte à inciter à la désobéissance civile !