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L’Art revisité par Cyrus Wilson

Vous avez toujours secrètement rêvé de décrocher les hideuses toiles des motels et de les remplacer par vos chefs‑d’œuvres personnels ? Cyrus Wilson réalise votre fantasme avec le Motel Art Improvement Service. Rencontre fictive et exclusive avec le génie derrière ce mouvement.

Alice Des | Le Délit

C’est vers la page douze de Motel Art Improvement Service (Akileos) que nous nous sommes rencontrés. Nous suivions alors Bee-Jin dans sa tentative de traverser l’Amérique à vélo. Quand celle-ci s’est fait renverser par une bande d’imbéciles sur la route, nous nous sommes arrêtés dans un motel un peu par hasard. C’est là qu’il faisait le ménage dans une chambre vidée de ses occupants. Après l’avoir observé un temps, nous avons réalisé que le nettoyage de ces lieux de passage n’était pas sa seule activité. Bilan d’une rencontre avec Cyrus Wilson, un blond mystérieux, fort sympathique, au talent indéniable.

Alice Des | Le Délit

Le Délit (LD): Tu as fait une école d’art à Chicago, où tu es d’ailleurs né. Comment en es-tu arrivé à trafiquer les peintures dans les motels ?

Cyrus ©: Six mois après l’école, j’avais déjà ma première expo personnelle dans une des meilleures galeries de Chicago. L’argent coulait à flots. Mais quand j’ai commencé à rencontrer les acheteurs, et comme ma peinture s’insérait dans les projets de décoration de leurs demeures de multimillionnaires, ça m’a foutu le moral en l’air. C’est à ce moment-là que j’ai arrêté la peinture abstraite. En fait, j’ai complètement arrêté de peindre et j’ai commencé à me balader dans le pays, en séjournant dans des hôtels de seconde zone. J’étais complètement déprimé. Je me suis vite retrouvé à court d’argent. Désespéré, je suis allé voir le directeur de l’endroit où je résidais et lui ai demandé un boulot. Il a eu pitié de moi, m’a engagé pour l’entretien et m’a montré les ficelles. Un jour, allongé sur mon lit d’hôtel, j’ai eu une révélation… J’ai réalisé qu’il y avait tant d’yeux qui se posaient sur les œuvres pathétiques et vulgaires qu’on trouve dans les chambres d’hôtel. Et j’ai réalisé que je n’avais absolument rien appris à l’école d’art. J’ai immédiatement recommencé à peindre et je n’ai pas arrêté depuis.

LD : Tes tableaux sont de plus en plus connus. Tu n’aurais pas envie de les exposer dans une galerie ?

C : Je suis sur la route depuis un certain temps. Mon travail est spécifique au site. Le sortir de son contexte lui ferait perdre toute sa résonance.

LD : Peindre n’est pas ta seule occupation dans ces motels pour lesquels tu travailles. Tu n’as jamais caché que tu fouilles dans les affaires des clients et que tu leur voles presque systématiquement leurs médicaments. 

C : Maintenant que j’ai trouvé ma vocation artistique, je suis surtout un collectionneur. Je ne les prends plus qu’occasionnellement. Je suis un fétichiste de la pilule. J’adore leurs petits flacons marrons dans leurs jolies boîtes. Elles sont comme des petites perles colorées dans ma collection. C’est un passe-temps inoffensif. Personne ne remarque les pilules manquantes.

LD : Et tu as d’autres passions ?

C : J’aime beaucoup les femmes ; c’est un autre de mes loisirs. Dans l’exercice de mon travail, on rencontre pléthore de femmes seules. J’ai été avec pas mal d’entre elles. Un paquet. Je n’en ai jamais vraiment aimé aucune.

Retrouvez les aventures professionnelles, amoureuses et sexuelles de Cyrus dans Motel Art Improvement Service, véritable bijou d’originalité de l’américain Jason Little. Vous y rencontrerez les originaux et marginaux qui marquent la route de Cyrus : Bee-Jin, une jeune fille rousse de dix-huit ans qui tente de traverser l’Amérique à vélo, deux jeunes dealers à leurs débuts, Johnson, un militaire en permission dont le seul but est de se fournir en drogues… Les personnages sont géniaux et évoluent avec justesse dans les cases de l’album. Celles-ci participent avec succès au déroulement de l’histoire par leur forme et leur agencement. L’histoire est excellente, drôle, sexy, sympathique et hors du commun et l’album est quant à lui un bel objet qu’on prend plaisir à feuilletter. Un chef‑d’œuvre rempli de rebondissements et de péripéties à ne pas manquer, tant pour son indéniable qualité esthétique et visuelle que pour l’originalité de son propos !


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