Le film est inspiré de l’intelligent essai Brève histoire du progrès, de l’auteur Ronald Wright. Si pour l’altermondialiste moyen le documentaire n’est qu’une synthèse d’idées connues depuis des années et discutées par divers penseurs contemporains, le choc est ailleurs : ce sont de puissants médias qui se chargent de promouvoir auprès du grand public le film au sujet relativement radical, dans la lignée du documentaire La Corporation. Lors de la soirée d’ouverture, des représentants de nul autre qu’Alliance Vivafilm, distributeur détenu par CanWest Global Communications, puissant monopolisateur de médias, ont pris le micro à tour de rôle pour vanter les mérites du film : « C’est un film important, essentiel, pour vous faire réfléchir ».
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Le documentaire aborde aussi la surpopulation, qu’on dit être un sujet tabou parce qu’il touche la religion, la famille et les libertés individuelles. Il touche de même la surconsommation en s’attardant particulièrement sur la classe moyenne et la situation environnementale en Chine. Ensuite, la romancière Margaret Atwood dénonce le parallèle fait par les décideurs économiques entre la nature et les cartes de crédit illimité. Le film enchaîne ainsi sur la crise économique de 2008 et l’endettement des pays en voie de développement. On y fait l’analyse des civilisations complexes qui se sont effondrées dans le passé, ayant eu en commun une dévastation écologique, une concentration des biens et un contrat social brisé. On y affirme que la lutte politique du XXIe siècle se penchera sur la question de la dette, les intérêts dus par les pays en voie de développement atteignant maintenant neuf fois les sommes empruntées. Le film poursuit l’exploration du progrès en revenant sur le passé dictatorial de l’ex-Zaïre et sur la déforestation amazonienne en dénonçant les politiciens qui se font aussi agro-industriels au Brésil. Lorsque les solutions au problème arrivent, les points de vue s’opposent quant au rôle des manipulations génétiques qui pourraient sauver le monde et on conclut plutôt qu’il faut réduire sa consommation et poser des limites au progrès technologique et matérialiste.
Allons-nous survivre à tous les problèmes qui menacent notre monde ? Contrairement aux précédentes civilisations, la nôtre est mondiale et interdépendante, mettant en péril l’humanité entière. Survivre au progrès met en scène des images soignées, tournées autour du monde et fait une bonne synthèse de points de vue, qu’ils soient progressistes ou non, rassemblés en un bouquet habilement monté de variations sur le thème des travers du progrès. Espérons que l’étonnant changement de vent dans la puissante industrie des médias porte fruit !