Konstantin Bojanov le dit lui-même, Avé est le fruit d’une réalisation semée d’embûches. Résultat d’un tournage difficile en plein cœur de la Bulgarie, Avé est un film initiatique qui traite de l’incommensurable incertitude d’une jeunesse qui semble avoir fait un trait sur l’insouciance. C’est l’annonce subite d’un suicide qui devient le fil conducteur de ce long métrage. Kamen (Ovanes Torosyan), un jeune étudiant en arts à Sofia, se voit précipité dans un road trip pour assister à l’enterrement de son ami. Dans cette urgence, il rencontre Avé (Anjela Nedyalkova) 17 ans, une âme libre. Alors que tous deux font du stop pour quitter la ville, une relation fondée sur les mensonges d’Avé éclot. Cette jeune mythomane se sert du mensonge comme appât afin d’attirer les automobilistes charitables. Cette rencontre fortuite amène rapidement les deux personnages dans une spirale d’aventures qui aboutiront parfois à la confrontation plutôt qu’à la tendresse. La tension qui règne entre Kamen et Avé est palpable et génère un amour incertain, brutal et sans lendemain.
Le premier plan, gavé d’une luminosité inouïe, est une vue panoramique sur Sofia la capitale, mais la grisaille prend vite le dessus et transpose le spectateur dans l’arrière-pays. Une impression d’étouffement prend d’assaut les personnages. L’environnement dans lequel est tourné le film est représentatif des états d’âmes des deux personnages ; les longues routes mènent vers une destination incertaine caractérisée par des paysages glauques. L’odeur d’une mort traumatique isole la thématique de la solitude. Cette solitude est compliquée et incertaine, mais les protagonistes s’en libèrent par leur soif de transgression et de liberté.
Si cette histoire souligne l’aspect éphémère d’une rencontre, le jeu des acteurs est loin de l’être. On retrouve des acteurs au visage grave et assombri par le poids du dégoût. Leurs expressions et leur façon acerbe de communiquer restent gravées dans nos esprits et dynamisent le film. Les corps avancent dans l’incertain, mais ne reculent pas. Kamen et Avé demeurent malgré tout des personnages diamétralement opposés. Kamen est discret et n’aime pas être confronté aux mensonges d’Avé dont le comportement traduit un passé chargé.
Konstantin Bojanov s’est inspiré de faits vécus et les a transposés au grand écran. On ressent une écriture personnelle qui relate a contrario des traits psychologiques universels. C’est un regard sur une jeunesse fragmentée qui se sert de la fuite pour se libérer des aléas de l’existence. Hormis les quelques longueurs qui effritent parfois la trame narrative du film, Avé est une expérience cinématographique à ne pas manquer.