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Une page se tourne

La Foire aux livres de McGill tire sa révérence.

Alice Des | Le Délit

La Foire aux livres de McGill, qui s’est tenue du 18 au 20 octobre, vient d’écrire son dernier chapitre. La coordinatrice de la Foire, Victoria Lees, a en effet annoncé l’arrêt des activités. Les bénévoles, pour les plupart des femmes, vieillissent et manquent cruellement de sang neuf pour les aider ; l’âge moyen avoisine les 80 ans ! « L’organisation de la Foire commence a être trop exigeante », commente madame Lees, ancienne secrétaire générale de l’université. « Il faut parfois décharger des caisses de livres, les apporter jusqu’à la salle Redpath et les empiler en montant sur des escabeaux ! »

Alice Des | Le Délit

Victoria Lees, qui coordonne la Foire depuis maintenant quatre ans à raison de deux jours de travail par semaine et de longues heures au téléphone et sur Internet, souhaiterait prendre sa retraite. À sa grande déception, personne n’est prêt à reprendre le flambeau et à assumer la charge de travail.

L’organisation de la Foire aux livres commence tôt, à la mi-janvier, par une collecte de livres déposés par des professeurs et des particuliers à la salle Redpath ou chez les bénévoles. Les livres sont ensuite triés, d’abord selon leur état, puis par catégorie. Finalement, un prix leur est assigné et ils sont entreposés avant la Foire. Les livres jugés invendables sont donnés à des étudiants ou à des associations caritatives. Ces tâches fondamentales sont devenues, au cours des années, de plus en plus difficiles à accomplir. L’accès automobile réduit sur le campus et la fermeture de la rue McTavish ont particulièrement entravé l’accès à la salle Redpath, où la Foire empiète dorénavant sur les cours d’orgue. Cet imbroglio logistique s’ajoute à la tâche déjà ardue de recruter des bénévoles, puisque, selon Victoria Lees, « il faut à la fois qu’ils comprennent les livres et qu’ils aiment le travail physique ».

Malgré tout cela, la Foire aux livres, fondée en 1971, fait figure de véritable institution, dont la popularité auprès des étudiants comme du grand public n’a cessé de grandir. « La queue de mardi était la plus grande que j’ai jamais vue en trois ans » se félicite John Haines, coordonnateur des jeunes bénévoles de la Foire. La couverture médiatique a aussi été plus grande qu’à l’accoutumée, avec la présence notable de la CBC et de La Gazette. Des acheteurs de l’Ontario, de la Nouvelle-Angleterre ou de l’État de New York « reviennent chaque année », comme le raconte Hiroko Inoue, bénévole depuis 31 ans. « À la fin, ils m’appellent par mon prénom ; on rit, on discute, des amitiés se forment. Quand je rencontre des clients [de la foire] au supermarché, ils me saluent et me demandent combien on a récolté cette année. Il se souviennent de moi car je suis la seule japonaise » dit-t-elle d’un rire franc et chaleureux, presque nostalgique. « Mes clients vont me manquer » conclut-elle sobrement.

L’avenir de la Foire aux livres reste incertain. Une chose est sûre, elle ne reviendra plus dans sa forme actuelle. Mais en quarante ans d’existence, elle a contribué à près de 1,5 millions de dollars au programme de bourses d’études de l’université. L’an dernier seulement, c’est 85 000 dollars qui ont été versés pour une bourse en l’honneur de Jane Barnett Hood, une ancienne coordonnatrice de la Foire. Un montant considérable comparé aux modestes 7 000 dollars des débuts. De plus, l’AÉUM explore la possibilité de voir les étudiants continuer l’aventure, d’une façon ou d’une autre. Shyam Patel, VP Finances, rencontrera Victoria Lees à cette fin. Selon John Haines, une gestion étudiante est tout à fait réalisable compte tenu du savoir-faire et du leadership des mcgillois. « On a juste besoin d’une bonne gestion à long terme » conclut-il. Seule l’administration de l’université semble ne pas porter d’intérêt au dossier, si l’on en croit l’absence d’un accusé de réception à la lettre annonçant la fin de la Foire aux livres.


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