Monsieur Lazhar s’en ira aux Oscars l’hiver prochain dans la sélection officielle pour la catégorie meilleur film international. Réussira-t-il là où Incendies a échoué ? Peu importe, car le film est une réussite en lui-même.
Que faire face à la mort à l’école primaire ? Voici l’une des questions que pose le dernier film de Philippe Falardeau, adapté d’une pièce écrite par Evelyne de la Chenelière en 2002. Et il y répond à merveille.
Quand une enseignante s’enlève la vie aux yeux d’enfants de sixième année, même les plus spécialisés des psychologues ne peuvent rien y faire. Leur deuil et exutoire, les enfants le chercheront avec Bashir Lazhar, un immigré algérien qui remplace l’enseignante, évitant le sujet quand on lui pose des questions sur son propre passé. Cette rencontre sera alors décisive dans la reconstruction psychologique et humaine de tous les protagonistes.
Voilà probablement le meilleur film francophone de l’année. Enlevez « francophone ».
Philippe Falardeau réussit à exposer la vie d’une école de façon juste et poétique sans jamais tomber dans les clichés habituels et fréquents dans les films sur les enfants. De plus, la musique originale ne fait que conforter l’idée que ce film est splendide dans sa délicatesse. En outre, les nombreux thèmes abordés (deuil, immigration, interculturalisme, exil, enfance, passion de l’enseignement, littérature, etc.) auraient pu devenir un poids pour le réalisateur, mais ce dernier, fidèle à la pièce d’Evelyne de la Chenelière, ne se perd pas dans un étalage de bon sentiments et nous met face à une réalité humaine brutale et douce à la fois.
Fellag, le très talentueux humoriste algérien qui interprète Bashir Lazhar, parvient à mener l’ensemble des personnages en évitant un pathos inutile, que l’on aurait retrouvé dans beaucoup d’autres films du genre.
Mais que dire des deux élèves principaux autour desquels le film gravite ? Leur jeu est sans aucune erreur, même dans les scènes les moins évidentes, et leur présence est tout simplement épatante. Simon, le garçon un peu turbulent, formidablement interprété par Émilien Néron, ainsi qu’Alice, petite fille très mature pour son âge, jouée par Sophie Nélisse, illustrent une société dans laquelle un grand malaise règne dans les relations adultes-enfants, dictées par d’affligeants codes de conduites contre lesquels l’ensemble des enseignants s’indignent.
Parents absents ou peu préoccupés, le film nous démontre combien l’école n’est pas qu’un lieu d’enseignement mais bel et bien une place décisive autant dans l’approche au monde que pour le développent des enfants et leur appréhension des étapes de la vie.
Toujours de façon très pudique et discrète, le film surprend par sa constante qualité avec des pointes d’émotion bluffante. À l’opposé de l’éducation très traditionnelle (mais fondamentale) prônée par Bashir Lazhar, le spectateur voit l’état délabré du système éducatif d’aujourd’hui, plus concentré à régir la forme des relations à l’école que le fond de la transmission du savoir, ne fournissant aux élèves que le strict minimum et ne se risquant jamais à les contraindre.
Le film expose une violence intime et profonde et réussit d’un bout à l’autre à nous amener avec lui dans la recherche de solutions au trouble existentiel vécu par cette microsociété qu’est l’école.
Plus qu’une ode à l’école idéale, Monsieur Lazhar est un projet de société universel et authentique voulant s’éloigner du modèle individualiste et impersonnel dans lequel nous plongeons. Ce film, même s’il ne gagne pas sa reconnaissance aux Oscars, devrait déjà gagner l’ensemble de la société québécoise. Et cela vaut bien plus que d’être reconnu par Hollywood.