Cette année a vu de grands bouleversements qui nous confirment encore une fois que des actes concrets sont nécessaires. L’administration de McGill a utilisé la loi afin de passer sous silence les demandes de MUNACA, et a intimidé ses étudiants et professeurs à l’aide de ses agents de sécurité. L’indifférence dont fait part l’administration quand vient le temps de communiquer avec la communauté universitaire nous démontre clairement le caractère autoritaire de ses dirigeants.
Les injustices mentionnées sont les symptômes d’un plus grand problème systémique. Notre société est dominée par une puissante alliance entre gouvernements et intérêts privés. La logique du marché et du profit mine et dégrade notre système d’éducation publique. Nos chercheurs travaillent pour de puissants intérêts corporatifs tandis que la direction de l’université entretien des liens serrés avec des intérêts privés de la pire espèce (Barrick Gold, les armes thermo-bariques, les sables bitumineux).
Les universitaires et les élèves sont à peine représentés au sein de notre sénat. Le conseil d’administration, la plus haute entité gouvernante de McGill, est composé de gens qui ne placeront jamais les individus avant les profits. Qui au sein de notre communauté se voit représenté par cette administration ? Les professeurs, les étudiants, les assistants de cours, les employés et le public sont tous exclus du processus décisionnel. Aucun dialogue avec l’administration n’a produit de résultats.
Il est temps de s’introduire à même leur espace ; une occupation est un moyen d’exprimer notre dissidence à l’extérieur des limites imposées par l’administration. Des milliers d’étudiants des quatre coins du Québec se sont présentés à Montréal, exigeant que leurs voix soient entendues ; nous ne pouvions faire autrement.
Le 10 novembre, nous avons occupé le cinquième étage du pavillon d’administration James. À 15 heures 45, nous avons pénétré le bâtiment et avons gravi les marches qui menaient au bureau de Heather Monroe-Blum sans rencontrer d’obstacles. Le bureau de sa réceptionniste était inoccupé ; elle est en grève depuis deux mois.
Nous avons cogné à la porte, tout en annonçant une occupation pacifique. Nous avons dû utiliser nos pieds et nos corps pour empêcher la sécurité d’ensuite franchir la porte du couloir.
Aucune menace n’a été proférée, aucune intimidation et violence n’est provenue de notre part. Les accusations que laissent planer certaines personnes ne sont que de vulgaires mensonges. Nous avons affirmé à tous ceux présent qu’ils étaient libres de partir ou de rester à leur guise. Nous avons pénétré plus loin à l’intérieur des bureaux et nous avons réussi à déployer notre bannière – 10 Nov – OCCUPONS MCGILL !
Nous insistons sur le fait que les seuls actes violents commis au cinquième étage furent commis par le personnel de sécurité et dirigé envers nous. C’est parce que nous étions complètement pacifiques que nous avons été si facilement défaits et confinés à un endroit restreint.
La principale Heather Monroe-Blum affirme que nous avons été « escortés » hors de son bureau. Ce faisant, l’un de nous a été agressé au visage, frappé à l’estomac, à été trainé au sol et finalement jeté hors de la pièce. Il n’est pas le seul à avoir été expulsé de force.
Nous avons contacté nos amis à l’extérieur. Nous leurs avons demandé de nous soutenir, d’être solidaire avec nous et de venir à notre aide. C’est ce qui a galvanisé la foule, à qui nous exprimons tout notre amour et notre reconnaissance. Nous sommes en complète solidarité avec toutes ces braves personnes qui ont lutté pour notre libération en reprenant le contrôle des sorties de l’immeuble.
L’utilisation de force et d’armes chimiques contre la foule au sol nous a laissés incrédules et outrés. La police n’était pas nécessaire, nous étions immobilisés et cernés de toutes parts. Ce fut une réaction brutale à notre tentative de mettre nos corps là où ils ne devaient pas êtres.
Morton J. Mendelson, premier vice-principal exécutif adjoint, est venu nous parler. Voyant que son discours ne faisait effet, il a quitté la pièce rapidement. Nous ne l’avons revu que bien plus tard, accompagné d’Anthony Masi, vice-principal exécutif, prêts à négocier. Ils ont essayé de nous mentir au sujet de la situation à l’intérieur et à l’extérieur de l’immeuble, mais heureusement nous étions en contact avec nos camarades pris plus bas dans l’édifice et à l’extérieur.
Nous avons exigé une amnistie inconditionnelle de la part de la police et de l’université pour tous ceux et celles à l’intérieur. À leur tour, ils ont demandé de nous escorter hors de l’immeuble et de quitter le campus.
Après avoirs discuté les termes en privé, ils nous sont revenus. Ils ont acquiescé à notre demande, et nous, à la leur, démontrant ainsi leur contrôle sur les forces policières sur le campus. Nous avons rejoins nos amis au rez-de-chaussée et ensemble nous avons quitté un campus bouleversé par les actions de la police.
Les évènements du 10 novembre démontrent à tous le pouvoir et la beauté de la solidarité. À tous les étudiants qui sont venus nous porter secours et qui ont affronté la police au carré James, nous désirons vous exprimer tout notre amour et notre gratitude et nous faisons vœu de persévérer dans cette lutte. Votre présence a été d’une aide non seulement physique, mais émotionnelle et mentale et c’est grâce à vous que nous avons pu continuer.
En traversant les frontières imposées par notre administration, en occupant un espace dans lequel notre présence n’était pas la bienvenue, et où nos voix sont passées sous silence, nous avons déclenché une réponse qui révèle à tous la violence nécessaire au maintien d’une structure de pouvoir hiérarchique.
L’administration nous dit que ses agents de sécurité privée sont là pour protéger notre campus et notre communauté, tout comme l’État affirme que la police existe pour protéger la population. À partir du moment où l’administration a choisi d’appeler l’escouade anti-émeute, pour se débarrasser de manifestants pacifiques, les évènements du 10 novembre ont mis au grand jour l’absurdité de ces dires. Lourdement armés et bien équipés, les agents de l’État ont sauvagement attaqué des étudiants de cette université, et ce pour leur simple solidarité avec nous, leurs amis, famille, amants et collègues. Cette violence démontre le véritable pouvoir de nos actes collectifs quand nous refusons de nous soumettre à l’autorité et à quel point le pouvoir en a peur.
Le 10 novembre marque le premier jour depuis 1969 (mouvement McGill Français) que l’escouade anti-émeute pénètre le territoire de McGill. Toutefois, la violence aux mains de l’État est une réalité pour bien des gens à l’extérieur de nos portes. La violence policière contre les étudiants est inacceptable. Les gaz lacrymogènes, le piment de Cayenne, et les coups de matraque sont des actes inacceptables contre les manifestants, les travailleurs, les sans-abris, les minorités, les anarchistes, les homosexuels, les indigènes ou tout autre minorité, et ce n’importe où.
Les médias corporatifs, la police et l’administration auront un but commun : le retour d’un statu quo par lequel ils contrôlent notre espace et nos corps. Mais nous sommes engagés dans une lutte qui est loin d’être finie. Nous devons continuer d’avancer et de laisser derrière nous le discours libéral qui n’a servi qu’au maintien de relations de pouvoir et de contrôle. En agissant avec courage et force, en remettant en question les limites prescrites, nous détournons la logique de la soumission.
Nous pouvons tous occuper. Nous pouvons tous résister. Nous devons agir.