En 2007, après quinze ans de loyaux services à l’Université McGill, le professeur Norman Cornett a été renvoyé. Quelque temps avant son licenciement, il avait remis en question les méthodes d’enseignement traditionnelles. Suite à la crise nerveuse d’un de ses étudiants, il avait décidé d’élaborer sa propre approche. « Comment se fait-il que les étudiants soient soumis à un tel niveau de stress, depuis leur première jusqu’à leur dernière année dans l’enseignement supérieur ? » s’était-il demandé. « Comment peuvent-ils s’épanouir en tant que citoyens, et en tant qu’êtres humains, s’ils en viennent à prendre la boulimie intellectuelle pour de l’enseignement véritable ? »
Ce sont ces questions qui l’ont poussé à développer une méthode d’apprentissage transgressant les limites non-écrites de l’académisme universitaire, en transformant la salle de cours en espace dialogique dans lequel chacun était invité à discuter d’égal à égal avec des politiciens, des artistes, ainsi que des experts dans divers domaines. Pour le professeur Cornett, ne pas agir face à la détresse mentale de la plupart de ses étudiants, c’est se soustraire à une responsabilité morale et civique. Norman Cornett exige plutôt que le système éducatif permette aux étudiants de développer une pensée autonome en stimulant sans cesse leur créativité. « Car la créativité, affirme-t-il, c’est au fond ce qui nous distingue de toutes les autres espèces animales. »Or, comment l’administration de l’époque avait-elle réagi face à cette méthode d’éducation novatrice ? Pas une seule discussion, pas un seul préavis. Seule une lettre lui demandant de vider son bureau –une réaction qui a incité Alanis Obomsawin, la réalisatrice du documentaire Depuis quand ressent-on l’obligation de répondre correctement au lieu de répondre honnêtement?, à établir une comparaison entre les méthodes de l’administration de McGill et celles de l’univers anti-utopique de Ray Bradbury, Farenheit 451.
Par ailleurs, une lettre ouverte publiée dans Le Devoir du 15 juin 2007 avait questionné publiquement la décision de McGill en exigeant une explication de la part de l’administration, qui conservait toujours le silence quant aux raisons de ce licenciement. Le vice-principal de l’époque avait assuré les signataires de la lettre que le renvoi du professeur Cornett n’avait rien à voir avec les débats controversés qu’il avait l’habitude d’organiser dans ses cours sur les conflits au Moyen-Orient. D’après le vice-principal, cette décision administrative avait été effectuée « sans irrégularité» ; McGill continuait à honorer la liberté d’expression.
Toutefois, monsieur Masi offrait-il une quelconque explication aux 747 signataires de la pétition en ligne exigeant davantage de transparence de la part de l’administration de McGill ? Si les idées politiques du professeur Cornett ne constituaient pas la raison de son congédiement, alors qu’est-ce qui justifiait la décision de « le laisser partir » ? Sur ce point, l’administration reste muette.
Quatre ans après ces événements, , l’enquête interne du professeur Jutras révèlera sans doute que McGill continue à honorer la liberté d’expression, que ce soit dans leurs négociations avec les employés de MUNACA, dans leur façon de gérer l’accroissement de l’activisme étudiant et de répondre aux manifestations.
Il faut se rendre à l’évidence : quel que soit le montant auquel les jeunes Québécois achèteront le droit d’avoir un avenir, on ne peut plus nier que les rapports d’autorité définissant les relations entre les citoyens et leur gouvernement, de même qu’entre les étudiants et leur université, sont en train de se redéfinir. Un refus d’accepter ces changements n’empêchera pas les étudiants de réclamer le droit de fréquenter un établissement qui honore véritablement la liberté d’expression, et qui n’établisse pas de distinction entre les réponses correctes et les réponses honnêtes.