Suite à la consultation publique sur l’avenir de l’information, la FECQ présentait ses recommandations, notamment de créer un statut de journaliste professionnel. « Ce statut serait accompagné d’un code de déontologie contraignant. Les étudiants recommandent que ce statut de journaliste soit géré par les journalistes eux-mêmes via la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)» dit le rapport.
Il faut savoir que dans le cas présent la FECQ propose le statut de journaliste professionnel dans le but d’assurer le respect du devoir journalistique tout en contrecarrant la concentration de l’information, chose qui n’est aucunement régulée en ce moment.
L’ordre professionnel pour les journalistes est quelque chose de débattu depuis longtemps, notamment parce que les journalistes eux-mêmes refusent de se délester de la moindre parcelle d’indépendance. Un des arguments avancés au sein du Groupe de travail sur le journalisme et l’avenir de l’information au Québec est qu’un Ordre serait nécessairement sous la tutelle de l’État : « la méfiance contre toute intervention de l’État dans le domaine du journalisme et de l’information a toujours prévalu et clos le débat ».
Cette peur de l’ingérence de l’État est typiquement néolibérale : on craint que le gouvernement interfère dans la propriété individuelle ou, dans ce cas-ci, dans le droit à la libre expression.
À l’opposé, ce qui est à craindre est un État totalement déconnecté de l’information et qui laisse le soin aux compagnies privées de s’occuper des médias. Et c’est le cas qui nous préoccupe.
L’empire Quebecor est évidemment l’exemple le plus frappant. Si vous êtes un fervent lecteur du Journal de Montréal, vous savez à quoi vous en tenir : Julie Snyder a de bonnes chances de se retrouver en couverture ou en page centrale, et ses intérêts risquent de devenir les vôtres du même coup.
Pourtant, si vous feuilletez le magazine Cool ou Décoration chez soi, si vous lisez des romans édités par Libre Expression ou CEC, ou si vous achetez chez Archambault, vous encouragez aussi la famille Péladeau. Peut-être à vos dépens, puisque le lien n’est pas si évident, mais vous encouragez aussi la concentration de l’information.
En fait, ce qu’il faut éviter, ce sont les extrêmes. Un gouvernement en contrôle des médias, comme c’est le cas dans les régimes totalitaires, n’est certainement pas à souhaiter. Pourtant, lorsque l’État est complètement à l’écart des médias et laisse les journaux se privatiser à outrance, ce sont les Quebecor de ce monde qui prennent le contrôle et mettent les politiciens dans leur poche, éclipsant du même coup tout accès objectif à l’information.
Là où l’État s’ingère
Le Printemps arabe n’est pas terminé. Les affrontements meurtriers dans la capitale égyptienne continuent alors que le gouvernement militaire de transition soulève la hargne. Durant la fin de semaine, trente morts, sinon plus, et environ 1750 blessés, selon la BBC.
Les protestataires refusent le gouvernement militaire qui abuse de sa force selon le Secrétaire général de la Ligue arabe qui est aussi candidat à l’élection présidentielle en Égypte : « La manière dont la police réagit aux protestataires… nous sommes tous contre cette forme de violence et ce traitement du peuple. »
Maintenant que les élections seront peut-être repoussées à la fin de 2012 ou début 2013, la population est d’autant plus en colère.
Au printemps 2011, les nouvelles technologies avaient été en vedette lors de la révolution en domino du côté des pays arabes. On parlait d’Internet et des téléphones mobiles comme la voix du peuple, puisqu’ils avaient permis la libre expression dans des pays autoritaires.
De ce côté-ci du globe, on parle souvent des nouvelles technologies comme étant ce qui fera disparaître le papier : les blogues, les sites web, Twitter, Facebook, les e‑journaux, les e‑livres, les e‑publicités, etc., tous y passent et sont démonisés par les fervents amateurs de ce qui est imprimé.
Pourtant, à mon sens, la concentration de l’information semble un enjeu bien plus important que les « nouveaux médias » et la « disparition des journaux papiers ».
Les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter offrent-ils une plate-forme qui permettrait l’accès et la diffusion d’une information moins biaisée ? Les nouveaux médias sont-ils hors d’atteinte de l’empire de l’information qui régit nos vies et influence notre pensée au quotidien, de manière détournée ?
Le Délit de cette semaine est le dernier numéro régulier qui paraît avant la fin de la session d’automne. Lundi prochain, The McGill Daily et Le Délit s’allieront dans un numéro spécial « À boire ! ». Par contre, dès janvier nous travaillerons sur un dossier tâchant de faire une mise au point sur l’arnaque tentaculaire de Quebecor.