À première vue, cette photographie noyée dans un bain de couleurs semble être ratée, loupée, en bref une banalité. C’est lorsqu’on interroge la démarche du photographe que cela devient palpitant.
Il choisit d’abord un lac ou un réservoir d’eau puis photographie ce paysage et collecte avec lui une petit quantité d’eau issue de ce lac. Il développe ensuite sa photo en couleur et la trempe dans l’eau récoltée : en voici le résultat, il obtient une image qui porte en elle la matière même de ce qu’elle représente.La force de cette image réside donc dans sa spécificité à évoluer dans « son propre bain » et à l’établissement du lien direct entre sujet photographié et présence physique du réel. Le photographe avait déjà réalisé une expérience similaire auparavant avec le portrait de l’un de ses amis qu’il avait fait tremper dans ses larmes. En incorporant des éléments physiques de son sujet dans le processus de développement chromogénique même de ses photographies, Matthew Brandt repousse les limites visuelles de la photographie et ouvre les portes vers une conception plus matérielle et corporelle de ce médium.