Lorsqu’on évoque la mère patrie au Canada, on aime parler du mariage du Prince William ou des épopées de David Cameron en Libye.
Les acteurs anglais les plus connus tels Jude Law ou Hugh Grant, toujours tirés à quatre épingles se présentent aussi élégants que coquets. Partout on jalouse l’accent British ou le Queen’s English. Un étudiant canadien sur deux accroche une photo de Londres dans son salon. Ce dont on ne parle jamais cependant, c’est l’Angleterre décadente, l’Angleterre loin, très loin de son époque coloniale et de son rayonnement à travers le monde. L’Angleterre qui a été soumise à une tertiarisation et financiarisation des plus féroces sous Margaret Thatcher a contraint ses régions industrielles et agricoles à une punition bien simple : la gueule de bois. Partout, de Manchester à Liverpool, en passant par Leeds, les ouvriers boivent, les paysans boivent, mais surtout la jeunesse désœuvrée boit. Les chiffres sont tout aussi affolants. En effet un jeune anglais sur trois de moins de seize ans a déjà été soigné pour abus d’alcool. Selon de nombreux sondages, le Royaume-Uni qui fait hostilement partie de l’Union Européenne, en est le plus gros consommateur de boissons alcoolisées.
C’est le cas des jeunes qui demeure le plus inquiétant dans un pays ou la culture de la bière et du scotch est ancestrale. Pour cette jeunesse anglaise en déliquescence, peu éduquée et victime de la concurrence liée à la mondialisation triomphante, la boisson n’est pas accessoire à une soirée, elle en est l’objet. Cette jeunesse a inventé le « Binge drinking », c’est-à-dire de boire un alcool sans goût qui permet d’être en état d’ébriété après seulement quelques verres. En Angleterre, 45% des jeunes de 16 à 24 ans boivent excessivement selon les normes médicales anglaises.
On dit que les flâneurs sont souvent ceux qui boivent trop, ce qui pourrait être une explication valide lorsqu’on sait qu’un jeune sur cinq est au chômage, et que seulement 30% des jeunes Anglais ont un diplôme universitaire. Pour ceux qui ne suivent pas de cours et ne trouvent (cherchent) pas de travail, ils ont comme seule distraction le football à la télé ou l’alcool, lorsqu’ils choisissent de ne pas combiner les deux. Le 11 septembre 2009, The Guardian annonçait que l’abus d’alcool était une cause majeure de décès chez les jeunes, mettant en cause le gouvernement anglais pour son laxisme.
Ce même gouvernement a néanmoins injecté des millions de livres dans une campagne de prévention qui n’a eu presque aucun impact. L’alcool chez les jeunes anglais est aussi une source de conflit entre divers partis. En effet, les instituts de recherche qui sont dotés des chiffres alarmants précédemment évoqués exercent une pression constante sur le gouvernement afin qu’il augmente les prix de l’alcool ; une réforme qui pourrait éradiquer le binge drinking. Or l’adversaire principal de ces instituts n’est justement pas le gouvernement mais les lobbies, comme The Wine and Spirits Trade Association qui dénonce des chiffres falsifiés ainsi qu’un manque de sensibilisation à l’école, tout en ne revendiquant aucune corrélation entre le prix et la consommation d’alcool.
Nombre des jeunes qui ont participé aux émeutes londoniennes de 2011 avaient consommé des quantités d’alcool importantes. La majorité d’entre eux chôme, ce qui rend la tâche difficile lorsqu’il s’agit de les sensibiliser ; mais surtout, surtout ne pas augmenter le prix de l’alcool, 3000 adolescents qui meurent chaque année, ce n’est qu’un détail de l’histoire.