« Je m’adresse à vous aujourd’hui afin de vous faire part de la – très faible – possibilité d’une certaine agitation sur le campus du centre-ville, demain le mardi 31 janvier. » Quoique le courriel se voulait plein de bienveillance, il soulignait une possible manifestation qui n’était ni planifiée par l’organisation que le courriel citait –la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)- ni organisée par la seule organisation sur le campus affiliée à la FEUQ, la Post-Graduate Student’s Society (PGSS).
« Dans le cadre de protestations étudiantes contre la politique adoptée par le gouvernement du Québec qui vise à augmenter les droits de scolarité […] des manifestations ont été prévues par la Fédération étudiante universitaire du Québec, lesquelles pourraient avoit lieu sur notre campus. »
En fait, la seule rencontre prévue qui aurait pu faire office d’«agitation » était en fait une conférence de presse donnée par la PGSS. Sept personnes y assistaient.
En envoyant de fausses informations à la communauté étudiante, l’administration ne veut évidemment pas faire de la prévention. En utilisant les communications officielles de l’université pour diffuser un message de peur, ou disons-le autrement, de propagande anti-manifestation, McGill veut générer un climat de méfiance envers des associations étudiantes comme la PGSS ou, à plus haut niveau, la FEUQ.
Avec son obsession de créer un campus sécuritaire à l’aide d’un système de surveillance au seuil de tolérance chatouilleux, l’administration McGill veut s’assurer un contrôle de plus en plus élevé des étudiants, contrôle qu’il est facile de faire passer pour une bienveillance toute paternelle. Cette obsession de la prudence, ce paternalisme conservateur à souhait, les étudiants en sont de plus en plus fatigués.
L’Université McGill négocie en ce moment une révolution identitaire. Les étudiants qui s’y instruisent sont de plus en plus intéressés par la contestation de l’ordre établi, que ce soit par des manifestations d’envergure nationale ou par des événements plus locaux.
Si l’occupation des bureaux administratifs a frappé l’imaginaire et a beaucoup fait jaser, une chose est sure : de nombreux McGillois, par leur soutien aux « occupants du 5e » et aux pirates qui envahissent le Conseil des gouverneurs, par leur opposition à la hausse des frais de scolarité et au système bien huilé que constitue l’Administration, ne se laissent plus manger la laine sur le dos. Même les cycles supérieurs s’en mêlent activement, avec une présence dans les contestations étudiantes qui n’a jamais été aussi intense.
McGill n’est donc plus cette institution uniquement constituée de bien pensants et d’élèves studieux, mais aussi d’une force contestataire qui prend de l’ampleur (ou qui parle plus fort, c’est à voir). De quoi rendre fiers les anciens qui ont participé aux manifestations des années 60.
Suite aux événements du 10 novembre, les étudiants ont demandé un espace sécuritaire sur le campus, une aire protégée où l’expression des opinions serait permise. Ce type de requête devait pallier à la mauvaise communication pour laquelle McGill s’est faite critiquer. Malheureusement, l’Administration ne comprend toujours pas ce que cette demande signifie. McGill oublie totalement que ce sont dans les manifestations pacifiques que les étudiants recherchent un « espace sécuritaire » et que, sans ces espaces de discussion, les étudiants chercheront d’autant plus à contester l’ordre établi.
Dans un souci de bonne communication, l’administration perd donc tranquillement sa crédibilité. D’ailleurs, le Vice-principal Di Grappa qui prend l’initiative d’envoyer un courriel me rappelle le conte de la petite fille qui criait au loup. Quand le loup est venu plus personne ne l’a crue.