Avec le mois de mars s’annonce le mois du face-à-face entre les étudiants s’opposant la hausse des frais de scolarités et le plan d’investissement en éducation du gouvernement du Québec pour 2016–2017. Les étudiants de McGill seront bientôt appelés à prendre part au vote pour ou contre la grève générale illimitée. Il importe, dès lors, de démystifier ce terme, mais aussi d’exposer les principaux acteurs du mouvement étudiant, tant au niveau de la communauté mcgilloise qu’au niveau national.
Qu’est-ce qu’une GGI ?
Une grève générale et illimitée désigne une prise de position lors d’une assemblée générale d’une association d’étudiants pour le boycott des cours afin de forcer une prise de position ou un changement de décision par le gouvernement ou l’administration de l’établissement.
Une grève est dite générale quand elle implique l’ensemble des étudiants dans une association ou dans un établissement scolaire. Elle est illimitée lorsqu’elle nécessite une autre assemblée générale pour décider de reprendre les cours. Par exemple, la semaine dernière, l’Association facultaire des étudiants de Sciences Humaines (AFESH) à l’UQAM se réunissait en assemblée générale pour voter majoritairement le déclenchement d’une grève générale illimitée lors de l’atteinte du plancher de grève fixé par la CLASSE. Le 20 ou 22 février prochain, une deuxième assemblée générale sera organisée afin de voter en bonne et due forme la levée des cours permanente pour l’ensemble des étudiants de l’association.
Lorsqu’une grève générale illimitée est votée, les étudiants votent aussi pour la fréquence à laquelle ils veulent revoter sa légitimité. Par exemple, l’AFESH votera en Assemblée tous les semaines afin de savoir si oui, ou non, l’Association continue la grève.
Une levée des cours permanente désigne la généralité de la grève tandis que son caractère illimité se caractérise dans la durée de la grève ; on ne parle pas d’une grève d’une journée, mais bien de plusieurs jours ou de plusieurs semaines. Pour clôre une grève générale illimitée, une association doit voter pour cesser la levée des cours et reprendre le chemin des bancs d’école.
Implications sur la vie étudiante
Une grève générale illimitée nécessite un appui massif de la communauté étudiante de l’institution scolaire et de l’association représentant les étudiants. Les étudiants ne peuvent pas partir en grève individuellement. Ils n’ont pas une relation employé-employeur avec l’université. De cette manière, la grève générale illimitée (voir ici boycott) détient toute sa force de frappe de part la mobilisation étudiante dans un mouvement de protestation.
Une grève générale illimitée est caractérisée par une levée de cours pour la durée de la grève. Les cours ne sont pas suspendus par les professeurs, car cela irait à l’encontre de leur contrat de travail, mais bien suspendus par les étudiants grévistes qui bloquent l’entrée aux cours pour générer un mouvement de protestation contre une décision de gouvernement ou de l’université. De cette manière, les cours sont retardés, mais les échéanciers de plan de cours maintenu.
Le mot d’ordre de la grève : le gouvernement devra accepter la demande étudiante parce qu’il ne peut dépasser une certaine date pour annuler la session de plusieurs milliers d’étudiants. Cela créerait une pression démographique dans les universités avec le retard de graduation d’étudiants et l’arrivée de milliers d’autres, retardant ainsi l’arrivée sur le marché du travail de nouveaux travailleurs. Ainsi, l’argument des associations dépend de la forte mobilisation des étudiants pour la grève.
Enjeux de la protestation de 2012
La protestation et la mobilisation étudiante ont été suscité par l’action du gouvernement de hausser les frais de scolarités de 325$ par année entre 2012 et 2017 dans l’optique du Plan de financement universitaire 2012–2017. Le plan de financement se caractérise par un investissement supplémentaire de la part des étudiants de l’ordre d’environ 350 millions de dollars, de 150 millions de dollars provenant de la philanthropie et d’un investissement supplémentaire de 400 millions de dollars du gouvernement à même l’impôt des contribuables Québécois.
Les fédérations et les associations étudiantes sont contre toute hausse des frais de scolarités et prônent, pour la plupart, le gel des frais de scolarité. Certaines associations souhaitent même atteindre la gratuité scolaire par la suite. La décision du gouvernement d’aller de l’avant avec cette hausse n’a pas été bien perçue par les associations étudiantes qui multiplient les actions contre la hausse depuis 2010. Le mouvement étudiant atteindra son paroxysme, selon les différentes associations étudiantes, au mois de février et mars lors du déclenchement des grèves générales illimitées dans l’ensemble de la province par les associations étudiantes.
Coalition Large de l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (CLASSE)
À la base de la CLASSE se trouve l’ASSÉ qui est une fédération étudiante parce qu’elle regroupe un lot d’associations étudiantes membres. La CLASSE est une coalition élargie fondée les 3 et 4 décembre derniers et menée par l’ASSÉ pour faire pression sur le gouvernement afin de le contraindre à ne pas hausser les frais de scolarité. Les associations membres de l’ASSÉ ont décidé d’accepter davantage d’associations pour augmenter la force de frappe face au gouvernement. La CLASSE regroupe aujourd’hui prêt de 60 000 étudiants membres, un chiffre qui augmente d’assemblée générale en assemblée générale au prix du déclenchement de grèves générales.
La CLASSE ne déclenche pas la grève, ce sont ses différentes associations affiliés qui le font. Au moment de mettre sous presse, le plancher que la CLASSE s’était fixé de 20 000 étudiants, dans sept associations différentes sur trois campus, a été atteint. Ainsi le mot d’ordre donné aux associations membres est de déclencher la grève générale illimitée avant le 20 février. La CLASSE organisera une manifestation nationale le 23 février prochain à Québecpour le souligner. Par la suite, les membres de la CLASSE manifesteront le 1er mars tandis que les autres fédérations étudiantes se sont données le mot pour le 22 mars.
La CLASSE définit ses actions comme du syndicalisme de combat. En effet, selon la porte-parole adjointe du mouvement madame Jeanne Reynolds, étudiante au Collège de Valleyfield en Arts et Lettres, profil théâtre, « le syndicalisme de combat signifie une mobilisation constante pour faire valoir nos points ; on fait de la désobéissance civile aussi ; ça nous permet de nous donner un rapport de force avec le gouvernement pour encadrer nous-mêmes les négociations. » De plus, la CLASSE est très pro-démocratie directe : le pouvoir est détenu par les associations membres qui déclenchent et arrêtent la grève, pas par l’exécutif national. L’objectif ultime de la CLASSE est la gratuité scolaire.
Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)
La FEUQ est composée de 15 associations de campus représentant 125 000 membres étudiants. Comme pour la CLASSE, ce n’est pas l’exécutif de la FEUQ qui déclenche la grève, mais bien les associations membres. En effet, la FEUQ n’est pas en grève, car elle doit recevoir le mandat lui permettant de se déclarer en grève de la part des associations membres. Selon la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, « il n’y a pas de plancher de grève pour nous, les associations membres votent la grève et dans deux semaines, les membres décideront s’ils veulent que la Fédération déclare qu’elle est en grève ; mais en ce moment je n’ai pas le mandat pour dire que la FEUQ est en grève ».
Le plan d’action de la FEUQ est bien amorcé même si dans les médias on parle davantage de la CLASSE. « Nous avons aussi posé des actions, mais celles de la CLASSE sont plus médiatisées » affirme la présidente de la FEUQ. « On était présent au caucus des députés libéraux à Victoriaville, une de nos associations membres, la FAÉCUM de l’Université de Montréal a dérangé une conférence de presse du Premier ministre du Québec, et on pose aussi plusieurs actions symboliques dans les différents établissements » s’enorgueillit madame Desjardins.
Pour la FEUQ, les votes de grève commenceront le 23 février et se dérouleront jusqu’à la grande manifestation organisée le 22 mars prochain. L’objectif de la FEUQ est le statu quo, c’est-à-dire le gel des frais de scolarité.
Mouvement divisé ?
La FEUQ et l’ASSÉ ne sont pas meilleures amies. Les vieilles querelles d’associations étudiantes remontent à la grève de 2005 ; l’ASSÉ s’était sentie trahie par la FEUQ qui avait négocié avec le gouvernement. À l’époque, elle avait réalisé des coupures importantes dans les prêts et bourses. L’ASSÉ n’avait pas été invitée aux discussions qui avaient mené à la fin de la grève. La division du mouvement se fait encore sentir : chacune des organisations met en place ses propres événements.
En effet, lors des entrevues accordées par les deux organisations, la porte-parole adjointe de la CLASSE a exprimé, dans un premier temps, le côté plus combatif de la CLASSE. « La CLASSE propose la grève et l’engagement immédiat contre la hausse du gouvernement tandis qu’à la fédération (FEUQ) on parle de peut-être faire la grève sans rien mettre de concret sur la table. Nous sommes encore très ouverts à la FEUQ et à la FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec), nous avons rédigé des ententes minimales, mais seule la FECQ les a signées et nous n’avons pas de nouvelles de la FEUQ depuis quelques temps » a renchérit Jeanne Reynolds de la CLASSE.
À la FEUQ on se veut rassurant. « Ce sont des vieilles querelles et si on continue de mettre du bois dans le feu, il va continuer de brûler », philosophe la présidente de la FEUQ à propos des possibles dissensions au niveau du mouvement étudiant actuel. D’après la FEUQ, les deux organisations sont en contact régulier.
Association des Étudiants de l’Université McGill (AÉUM-SSMU)
En entrevue, le vice-président aux affaires externes de l’AÉUM, Joël Pedneault, a confié que, pour l’instant, il n’y allait pas avoir de vote de grève à l’AÉUM : « il faut un quorum de 500 personnes à l’Assemblée générale pour déclencher une grève générale illimitée, pour l’instant ce n’est pas dans nos plans, cependant, il y a des rumeurs de grèves départementales qui s’en viennent. »
On rappelle que l’AÉUM est en faveur de la gratuité scolaire et qu’elle fait partie de la TaCEQ (Table de Concertation Étudiante du Québec) qui est une table de concertation où les membres sont libres de faire les choix qu’ils veulent. Il faut aussi rappeler que l’AÉUM n’est pas la seule à pouvoir déclarer la grève, les associations facultaires le peuvent aussi.
Association des Étudiants de la Faculté des Arts (AÉFA-AUS)
L’association représentant les étudiants en Arts regroupent environ 7 000 étudiants de tous les départements. À la dernière Assemblée générale, faute de quorum, les membres présents n’avaient pas pu tenir un vote afin de rejoindre la CLASSE sans automatiquement déclencher une grève générale illimitée.
Cependant, l’AÉFA a mis en ligne un référendum portant sur un proposition d’amendement de la constitution afin de donner davantage de pouvoir à l’Assemblée générale pour pouvoir déclencher une grève, car selon les statuts de l’association, un simple quorum à l’AG est suffisant pour déclencher une grève. La présidente de l’AÉFA explique qu’un référendum peut être demandé par huit membres du conseil législatif de l’association ou par 150 étudiants désirant proposer un référendum. « Le référendum a été proposé par 150 étudiants qui dans le préambule de la question désirent se joindre à la CLASSÉ et donner davantage de pouvoir à l’Assemblée générale » a expliqué madame Jade Claver, présidente de l’AÉFA.
Aux dires de la présidente, la prochaine Assemblée générale aura lieu au retour de la semaine de lecture, tout dépend des résultats du référendum.
Chevauchement d’intérêts ?
Le vice-président aux affaires externes de l’AÉUM semblait avoir davantage de détails sur les avancées du vote de grève à l’AÉFA que la présidente de l’AÉFA elle-même. En entrevue, madame Jade Claver s’était gardée un droit de réserve pour ne pas discuter des enjeux d’un vote de grève ou d’une grève, car elle n’en avait pas le mandat du conseil législatif et de l’Assemblée générale. Or, en entrevue, monsieur Joël Pedneault a été clair lorsqu’on lui a demandé s’il y a avait un vote de grève prévu pour l’AÉUM, il a répondu que les efforts étaient mis autour d’un vote de grève à l’AÉFA qui serait tenu le 15 février prochain. À cette révélation, la présidente de l’AÉFA, Jade Claver, a précisé qu’elle n’était en aucun cas en contact avec monsieur Pedneault au sujet d’un soi-disant vote de grève à l’AÉFA, qu’aucune date n’avait été arrêtée parce qu’il fallait attendre les résultats du référendum et que monsieur Pedneault est aussi un étudiant membre de l’AÉFA et qu’il peut être actif dans l’association s’il le désire.
Association des étudiants et des étudiantes du deuxième et du troisièmes cycles (AÉÉDTC – PGSS)
La vice-présidente aux affaires externes et gouvernementales de l’AÉÉDTC, Mariève Isabel, a affimé, en entrevue, que son association allait tenir une assemblée générale le 6 mars prochain afin de discuter des tenants et aboutissants de la grève. Selon Madame Isabel, « nos membres désirent davantage d’information avant de s’exprimer sur la question. »
Association des étudiantes de la faculté des sciences (AÉFS-SUS)
L’Association des étudiants de la faculté des sciences a été contactée, mais personne n’a retourné notre appel. Cependant, Le Délit a appris par un étudiant en sciences qu’une Assemblée générale se tiendra le 29 février 2012. Plus de détails à venir.