Au Players’ Theater cette semaine, James H.K. Campbell et Charles Harries nous présentent un « opéra folk » vaudevillesque aux airs de conte de fée. Mise en scène d’une comédie musicale n’ayant jamais vu le jour, The Hazards of Love reprend la musique d’un album du groupe de rock indépendant américain The Decemberists (créé en 2009) qui met en scène une idylle champêtre entre une jeune fille et un faune qui ne recouvre son apparence humaine qu’à la tombée de la nuit.

Or, leur amour se voit menacé par l’intervention d’une belle-mère magicienne souffrant d’une sorte de complexe œdipien inversé pour son fils adoptif. Le jeune couple, qui souhaite vivre d’amour et d’eau fraîche au beau milieu de la forêt selon un idéal évocateur de l’époque hippie, traverse, on s’en doute, une série d’épreuves.
Tout d’abord, la reine de la forêt –le dos couronné de bois de cerf censé souligner son appartenance au monde « naturel»– réclame de son fils qu’il abandonne son amour pour passer l’éternité avec elle. Drame.
L’apparition d’un débauché infanticide complique ensuite un peu les choses en enlevant la fiancée. Pire encore, cette pauvre Marguerite manque de se faire violer dans une scène dont la violence inattendue (du moins, après les scènes idylliques) peut affecter les spectateurs. Re-drame.

A priori, le genre de l’opéra folk ne paraît pas forcément propice à développer une réflexion critique sur notre monde. Par exemple, aujourd’hui, il peut être difficile de percevoir l’originalité et l’audace de textes d’opéra classiques du XVIIIe ou du XIXe siècle tels que Les Noces de Figaro ou Rigoletto, l’un reprenant largement la critique des privilèges de la noblesse héritée de la philosophie des Lumières, l’autre réinvestissant à qui mieux mieux les thèmes phares du romantisme hugolien. Il faut pourtant avoir conscience de ce que représente la trame d’une époque pour faire davantage que s’y encastrer ; et s’il n’est pas toujours nécessaire de faire du « contemporain », il est pourtant essentiel de conserver un recul vis-à-vis des types littéraires ou idéologiques réinvestis dans une œuvre, sans laquelle celle-ci reste forcément dénuée d’ironie.