W. E. est l’aboutissement de l’un des rêves les plus chers à Madonna : mettre en scène la légendaire histoire d’amour entre Wallis Simpson et le roi Edward VIII. Cette liaison a créé tout un émoi dans les années 1930 lorsque le roi a abandonné le trône britannique pour épouser cette fameuse étatsunienne divorcée. Cette histoire nous est présentée à travers les yeux d’une New-Yorkaise contemporaine nommée Wally, malheureuse dans son union avec un brillant –mais absent– médecin de Manhattan. La seule étincelle qui alimente la vie de cette femme au foyer est sa fascination pour l’histoire de Wallis et Edward qui fait justement l’objet d’une vente aux enchères au Sotheby’s. Elle se rend donc tous les jours au salon d’exposition pour étudier les objets et images du couple mythique.
Attrayant avant tout
Ce film surprend d’abord par la beauté de ses images. Chaque plan est d’un esthétisme irréprochable comparable à celui créé par Tom Ford dans A Single Man. Madonna confie toutefois s’être inspirée du film français La vie en Rose pour les prises de vue et les mouvements de caméra. Les nombreux angles et les variations de plans nous donnent l’impression de connaître les protagonistes sous toutes leurs coutures. Chaque détail, tant au niveau du maquillage, des costumes et des décors, est étudié à la perfection. La musique et la direction photographique reflètent parfaitement les émotions parfois frivoles, parfois dramatiques, vécues par les personnages. Un résultat visuellement somptueux.
Tissage forcé
Les lacunes du long-métrage se situent davantage au niveau du scénario, écrit par Madonna et Alek Keshishian (With Honors, In Bed with Madonna). La plus grande faiblesse du récit est probablement celle du lien entre Wallis et Wally. Outre la ressemblance de leur prénom, rien ne les unit réellement. L’obsession de Wally envers l’histoire de Wallis semble forcée et créée pour les besoins du film ; exception faite du moment où Wallis ose jeter à Wally de se « trouver une vie » alors que cette dernière se présente une énième fois à l’exposition du Sotheby’s. Autre élément lassant du film : le recours excessif aux transitions par analogie. Il n’est pas nécessaire de faire un arrêt sur une théière exposée au Sotheby’s pour nous transporter au tea room de 1936.
Le film comporte également certaines longueurs et des événements qui manquent de réalisme. Difficile de croire que le richissime homme d’affaire Mohamed Al-Fayed accorde à Wally, cette américaine sortie de nulle part, le droit de consulter les lettres échangées par le couple légendaire, trésor normalement gardé sous clé dans sa cossue demeure de Bois-de-Boulogne.
Une performance juste
On apprécie le choix des acteurs qui n’appartiennent pas au panel habituel hollywoodien, mais dont les visages nous sont vaguement familiers. L’interprétation de Wally par l’Australienne Abbie Cornish est profonde et poignante. On capte bien sa solitude à travers ses fixations et son errance. Nous sommes autant charmés par Andrea Riseborough dans le rôle de Wallis, une femme flamboyante, qui séduit davantage par ses paroles que par sa beauté physique.
C’est du « Madonna »
Suite à sa projection à la Mostra de Venise et au Toronto International Film Festival, des critiques ont trouvé ce film simplet et embellissant excessivement la réalité. Difficile de savoir si les critiques avaient de trop grandes attentes face à ce film, ou encore, des préjugés envers Madonna au poste de réalisatrice. Cette dernière mérite tout de même quelques applaudissements.
Un film à son image : pétillant, dramatique, stylisé et un peu bonbon. Quoique W.E. a plutôt l’arôme du chocolat noir : un goût doux-amer et raffiné, que l’on savoure jusqu’à la fin.
En salle dès le 17 février