Ces paroles si justes, nous les devons à José Maria Eça de Queiros, ce grand romancier portugais du XIXe siècle, souvent comparé à Balzac ou Flaubert. Pourquoi commencer ainsi ?
Car sans la présence de cette curiosité presque culottée, cette chronique n’aurait jamais pu sortir de sa tanière. Lundi dernier, en fin de soirée, je me rendais comme souvent à la place aux Huiles pour observer, à travers les vitrines les multiples galeries d’art et salles d’expositions qui s’y trouvent, les dernières occupantes des présentoirs.
Alors que je croyais connaître ce lieu sur le bout des doigts, voilà que l’arcade boisée d’un vieux porche débouchant sur un escalier en bois a attiré mon attention.mais peu importe, il fallait que j’aille voir ce qui s’y cachait. Je montais donc en haut de l’escalier qui débouchait sur deux salles : à ma gauche, un bel atelier de peintre et à ma droite une étroite galerie d’expositions photographiques ! Je n’y découvrais pas l’Amérique, mais quel- que chose de plus intriguant encore : les photographies sus- pendues aux murs de Marco Binist, semblaient être recouvertes d’une couche de cendre granuleuse qui éveilla tous mes sens. Il s’agissait de tirages à charbon direct, procédé inventé au XIXe siècle et qui fait l’objet de la chronique d’aujourd’hui.
En 1899, Théodore Henri Fresson présentait à la société française de photographie son procédé de développement photographique en noir et blanc. Cet ingénieur agronome de formation doit sa découverte, non pas à sa qualification professionnelle, mais plutôt à sa grande curiosité.Les frères Fresson, détenteurs du secret, installèrent d’abord leur atelier à Dreux, puis l’un des deux monta à Paris dans le but d’adapter ce processus à la couleur.
Ce procédé qui prendrait trop de lignes à détailler, se détache des tirages classiques par sa capacité à abandonner l’image à son développement, à la laisser s’inventer comme elle le désire.
Il y a en effet une grande part de hasard dans l’expression esthétique de l’image lorsqu’on utilise le charbon direct. On obtient une photographie cendrée et vaporeuse, se rapprochant étrangement du croquis réalisé au fusain. Il a été un outil essentiel aux photographes pictorialistes, comme Léonard Misonne, qui privilégiaient le rendu final de l’image à sa fidélité par rapport au réel. Photographe belge et chef de file de l’école pictorialiste, il photographiait tout aussi bien des hommes, ouvriers et paysans au travail, que de nombreux paysages de campagne.
Aujourd’hui, l’atelier pari- sien de la famille Fresson continue de perdurer et offre des tirages d’une qualité incroyable pour tout portefeuille bien garni…