Initialement une boutique de bandes dessinées, Taschen a été fondé en 1980 par Benedikt Taschen alors qu’il n’avait que dix-huit ans, et est très rapidement devenue un des plus gros producteurs de livres d’art abordables au monde (certaines collections sont disponibles pour aussi peu que dix dollars). Outre les arts visuels, qui font figure de mandat principal, Taschen se spécialise dans plusieurs autres domaines, tels que l’architecture, la publicité et le cinéma, ainsi que dans la photographie érotique, qui constitue aujourd’hui un de ses produits se vendant le mieux.
C’est dans cette « Collection sexy » que Dian Hanson, ancienne éditrice de magazines masculins, a fait paraître en octobre dernier le très étrange Big Book of Pussy.
Dernier d’une série de cinq gros livres sur les parties du corps (Legs, Breasts, Big Butt, et Big Penis), The Big Book of Pussy est sans surprise un gros livre de photos sur le sexe féminin conçu comme un livre de table (coffee table book), c’est-à-dire un livre destiné à être laissé sur une table à café dans le but de pouvoir le feuilleter négligemment.
Un seul coup d’œil à l’intérieur du livre permet toutefois de saisir pourquoi l’achat d’un tel ouvrage paraîtrait problématique à la plupart des maitresses de maisons, il contient plus de trois-cent cinquante pages de femmes issues des années 1900 à 2010, jeunes et moins jeunes, exhibant fièrement leur vulve dans des positions plus grotesques et ouvertement comiques les unes que les autres.
Bien que ce genre d’ouvrage soit systématiquement classé dans la section érotique des librairies, le livre de Dian Hanson, et c’est ce qui constitue tout son intérêt, semble se situer dans une classe à part, outrepassant de manière flagrante les aspects érotiques ou pornographiques du sexe féminin pour s’établir comme une sorte de recensement de l’anatomie féminine. La chatte n’est pas ici un instrument de séduction, mais plutôt l’objet d’une joyeuse exhibition –la plupart des femmes arborent d’ailleurs un sourire si radieux qu’il en devient contagieux– qui célèbre tant la diversité que l’aspect souvent démonisé de la vulve au naturel.
Et si ce petit dernier de Dian Hanson se présente essentiellement comme un livre de photo, il contient également quelques entrevues de figures marquantes et marginales de l’industrie pornographique américaine, de Vanessa del Rio, actrice porno au clitoris immense, à Steve Shubin, inventeur du populaire Fleshlight, en plus d’un texte de Hanson qui propose une brève histoire de l’iconographie de la chatte depuis la préhistoire jusqu’à aujourd’hui, des textes qui permettent de mettre en perspective notre compréhension du sexe féminin.
« J’ai grandi en pensant que ma chatte était à la fois le plus précieux des trésors, convoité par tous les hommes, et un truc sale et honteux » écrit Hanson en introduction, « et il semblerait que les garçons aient perçu un message similaire »
Sans se prendre trop au sérieux, le livre de Dian Hanson se pose tout de même aux yeux de plusieurs comme un ouvrage féministe, puisqu’il révèle le paradoxe fondamental de l’identité sexuelle féminine, c’est- à‑dire la lutte constante entre l’érotique et le grotesque, entre le désir de séduction lubrique et la honte d’un sexe poilu et visqueux, lutte qui préoccupe la majorité des femmes encore aujourd’hui.