Les communautés autochtones de Uashat-Maliotenam bloquent la route 138 vers l’Ouest pour montrer leur désaccord avec la dernière tentative d’entente au sujet du mégaprojet hydro-électrique développé sur leur territoire.
Depuis lundi midi, les Innus laissent passer les voitures Est-Ouest mais interdisent les camions en direction de La Romaine. « Jusqu’à présent, tout s’est déroulé dans une atmosphère bon enfant », assure Christopher Scott, porte-parole d’Alliance Romaine, un organisme à but non-lucratif qui veut empêcher la construction des quatre barrages sur la rivière Romaine. « Nous avons arrêté sept ou huit pick-ups aujourd’hui (lundi) et nous assurerons une présence 24 heures sur 24. Les Innus sont soutenus par Alliance Romaine ainsi que par Fondation Rivières et Sept-Îles sans uranium, deux autres groupes environnementalistes.
À Montréal, c’est le Réseau de Résistance du Québécois (RRQ) qui assurait une présence lundi, devant la tour d’Hydro-Québec au centre-ville. Les militants du RRQ, appuyés par les Mohawks, organisaient une séance de tractage pour dénoncer les manières colonialistes du gouvernement libéral du Québec dans le dossier du Plan Nord.
Deux référendums, différentes revendications
En automne dernier, Hydro-Québec a proposé des ententes, suivies de deux référendums, qui se sont conclus par le rejet à 59% de la communauté (pour le premier).
Malgré le refus par la communauté des ententes bonifiées, Hydro-Québec a continué de déployer les pylônes électriques sur la réserve de Maliotenam.
Une telle attitude de la part d’Hydro-Québec a ulcéré les communautés de Uashat-Maliotenam qui entendent maintenant entraver les travaux sur La Romaine.
Empêcher la construction du développement sur La Romaine affectera, par ricochet, le Plan Nord puisque le potentiel hydroélectrique de la Romaine sera utilisé entre autre pour alimenter les développements du Plan Nord (voir encadré).
De son côté, Hydro-Québec, considère qu’après les deux référendums, la société devrait avoir la voie libre pour développer : « Pour l’instant, nous avons toutes les autorisations nécessaires pour continuer l’installation des lignes. »
Hydro a proposé une première entente, qui a été refusée, puis a proposé une deuxième entente, bonifiée. Y aura-t-il un prochain référendum ? « Pour l’instant, on attend la décision du gouvernement », soutient Hydro-Québec.
Si c’est l’installation des lignes sur le territoire innu qui a déclenché le mouvement de protestation, Hydro-Québec se défend :
« L’idéal serait d’arriver à un consensus avec les communautés, mais ce qui était traité dans le dernier référendum touchait des sujets qui débordent du simple projet des lignes électriques. Il y avait, par exemple, un règlement de litige du passé. »
Blocus pour un consensus
Michaël McKenzie, porte-parole de l’interdiction d’accès demande que la société d’État revoie ses propositions. La communauté demande une nouvelle entente pour laquelle elle sera vraiment consultée pour atteindre un consensus : « Après deux refus, Hydro-Québec continue à faire le cowboy », dit-il.
Même écho du côté du Vice-chef de bande, Mike McKenzie : « Le mouvement se lève contre Hydro-Québec, et le conseil de bande se positionne du côté des citoyens. On est là pour les supporter ». Le Conseil demande une bonification de l’entente actuelle ainsi qu’une proposition qui ralliera la communauté. Il précise que « c’est à Hydro-Québec de faire le prochain mouvement. »
Le maire de Sept-Îles, Serge Lévesque, souligne que la Ville de Sept-Îles a été sollicitée pour donner son appui, mais qu’il n’était pas envisageable de se joindre au blocus : « Je trouve l’incident malheureux. Je souhaite qu’ils ne bloquent pas la route trop longtemps. » Il précise que le référendum n’impliquait pas du tout la municipalité.
Si toute la communauté s’entend pour protester contre le traitement infligé par Hydro-Québec, la résolution du conflit prend diverses formes. Michaël McKenzie, leader du blocus, souligne qu’il y avait trois côtés au camp du non : ceux qui ne veulent pas du tout d’exploitation du territoire, ceux qui veulent négocier l’entente, et ceux qui s’opposent au chef de bande George Ernest Grégoire.
Sur le groupe Facebook « Innu discute », les opinions divergent sur le blocus. « J’espère tout simplement que le blocus ne soit pas une stratégie pour avoir une entente de plus qui bonifie les précédentes. Si le blocus est vraiment sincère et que le but de ce blocus est de défendre le Nitassinan [notre terre, en Innu], j’y serai », écrit Mélanie.
Ti-John St-Ambroise continue : « Le but est d’unir les voix du Oui avec le Non […] la stratégie sera planifiée ensemble… Assez des dissensions dues à la politique ! »
Le blocus qui commençait lundi pourrait bien durer tout le mois de mars. Michaël McKenzie conclue en disant : « ça prendra le temps que ça prendra. Jusqu’au moment où on sera consulté. »
Le mot du ministre
« La participation des Autochtones est essentielle à la réussite du Plan Nord », déclarait Geoffrey Kelley, le ministre des Affaires autochtones dans son mot à la communauté lors du lancement du Plan Nord. « La mise en œuvre du Plan Nord se fera dans un esprit de respect mutuel, et les générations futures pourront s’inspirer à leur tour de ce modèle de partenariat novateur, fondé sur le dialogue et le respect. »
Pourtant, Michaël McKenzie soutient le contraire. L’attitude d’Hydro-Québec et du gouvernement « est agressante, et souligne un manque de respect », dit l’homme qui est un des instigateurs de l’interdiction d’accès de lundi.
Les Innus demandent la consultation et le respect du territoire. Le Réseau de Résistance du Québécois va plus loin : « Nous sommes totalement opposés à la Romaine ; nous luttons contre le gouvernement qui ne prend pas de décision pour les citoyens mais pour les amis du régime », annonce Carlo Mosti, porte-parole du RRQ qui manifestait devant les bureaux d’Hydro-Québec, lundi. Le Réseau ne s’attendait pas à une réaction de la société d’État, « mais c’est sûr qu’on va commencer à déranger », avance Mosti, en lien avec leur action pour déranger le Salon Plan Nord, au cœur de la campagne du gouvernement Charest, le 20 et 21 avril prochain.
Le Réseau de Résistance du Québécois (RRQ) milite contre l’impérialisme, et considère que le Plan Nord est l’occasion idéale de mettre au clair leur position : le réseau a convenu avec les Innus de se positionner contre l’exploitation des ressources naturelles de la Côte-Nord a des fins d’exploitations des ressources naturelles.
Patrick Bourgeois, président du RRQ, espère que l’action symbolique devant les bureaux sera un message clair : « nous n’avons pas organisé une manifestation, mais plutôt un coup d’envoi de nos actions contre le Plan Nord, une présence qui supporte les efforts des Innus. »
Le Plan Nord
Le Plan Nord représentera 25 années de travail, nécessitera 80 milliards de dollars d’investissement et créera en moyenne 20 000 emplois par année.
Le Plan Nord englobe le territoire situé au nord du 49e parallèle, soit près de 1,2 million de km2 –72% de la superficie du Québec– représente les trois quarts de la capacité de production hydroélectrique québécoise et implique la collaboration de 63 villes, villages et communautés.
Les individus touchés par le Plan Nord représentent moins de 2% de la population, soit un peu plus de 120 000 personnes, dont 33 000 Autochtones.
Les secteurs d’exploitation du nord Québécois seront de l’ordre minier, énergétique, forestier, faunique, touristique et bioalimentaire.
Les quatre barrages hydroélectriques qui harnacheront la rivière La Romaine serait l’un des plus grands projets d’Hydro-Québec. Les travaux, commencés en 2008, s’étendront au minimum jusqu’en 2020. Les populations touchées (soit par les routes, les lignes électriques et le réservoir) sont majoritairement les Minganois et les Innus.