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Un dictateur mis à nu

Dans le film L’autobiographie de Nicolae Ceausescu, les images d’archive défilent et exposent la folie des grandeurs du défunt conducator roumain.

Gracieuseté du Cinéma du Parc

Sans s’en rendre compte, le réalisateur Andrei Ujica a peut-être inventé un nouveau style cinématographique. Car même si L’autobiographie de Nicolae Ceausescu est considéré comme un documentaire biographique, le film, composé exclusivement d’images de propagande d’archives, est totalement dépourvu de toute narration. Ainsi, aucune information n’est donnée à l’auditoire quant au contexte des scènes mettant en relief des signatures de traités, des discours importants, ou des visites diplomatiques. Le public est laissé à lui seul, confus, et certes déçu si son intention était d’en apprendre davantage sur la dictature roumaine de l’époque soviétique.

Gracieuseté du Cinéma du Parc

Le film débute alors que l’on voit le couple Ceausescu destitué, devant un tribunal sommaire, face à de sévères accusations relatant au massacre de Timisoara. Le reste du documentaire consiste en un long flashback sur la vie de Ceausescu, commençant avec l’arrivée au pouvoir de l’homme fort de la Roumanie en 1965, suite à la mort de Gheorghiu Dej. On est ensuite témoin du développement industriel et agricole du pays, de discours à la rhétorique socialiste, et peu à peu de la transformation du régime communiste roumain en un instrument totalitaire dont les ficelles ne sont tirées par nul autre que Nicolae Ceausescu.

La folie des grandeurs du conducator ainsi que son goût prononcé pour la planification étatique et la révolution culturelle sont bien mis en évidence. La scène de la visite du dirigeant nord-coréen Kim Il-sung est certainement mémorable : des milliers de danseuses en habits multicolores, s’agitant au rythme d’une musique triomphale, accueillent le cortège officiel. Le documentaire expose aussi le rêve titanesque de Ceausescu : construire la maison du Peuple de Bucarest, un fantasme qui  s’avère être aujourd’hui l’un des bâtiments les plus imposants d’Europe

Le documentaire est une réussite dans sa juste représentation de Ceausescu au naturel. On le voit se baignant dans la mer avec sa femme, jouant au volley-ball, allant aux obsèques de sa mère. Avec ce recul, on réalise la petitesse de l’homme, son ridicule, sa grossièreté. Ses discours, teintés de doctrine marxiste-léniniste, sont vides de sens. On le sent seul et en manque de confiance, alors que son pays s’enfonce dans la stagnation et la pauvreté.

Pour accomplir ce tour de force, Andrei Ujica a eu accès aux archives nationales roumaines, qui possèdent en banque des milliers d’heures d’images officielles de l’époque. En effet, on estime que le dictateur se faisait filmer en moyenne une heure par jour, profitant de chaque occasion pour exhiber sa vie privée. Le film met ainsi à nu le narcissisme lâche de l’ancien dictateur : Ceausescu étant un maître des moyens de communication moderne, il utilisait à outrance une machine à propagande pour assurer la survie de son régime.

Le documentaire ne s’adresse pas à un public très large. Seuls les connaisseurs de la dictature roumaine pourront apprécier à leur juste valeur les images et les replacer dans leur contexte. Il faut aussi préciser qu’il s’agit d’une odyssée monumentale d’une durée de trois heures.. Il est dommage qu’Ujica ait décidé de prendre la voie de la marginalité, alors que ce sombre épisode de l’Histoire du XXe siècle aurait intérêt à être connu davantage.


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