Titre : Midsummer, une pièce et neuf chansons. Les protagonistes : Isabelle Blais et Pierre-Luc Brillant, duo qu’on avait remarqué dans le film Borderline. Le titre et les comédiens suffiraient sans doute à attirer les curieux. La pièce s’avère être une comédie folk, portée avec bonheur par deux complices entre qui la chimie fait des étincelles.
Le texte coloré de David Greig a été traduit par Olivier Choinière dans un français québécois qui retranscrit avec justesse l’auto-dérision et ses gags incessants. Le thème de la sempiternelle crise de la trentaine et le ton désopilant ne sont pas sans rappeler le film Les poupées russes de Cédric Klapish. Bob est un homme désillusionné qui vit de la pègre. Helena est une avocate spécialisée dans le divorce, délaissée par son amant. Grâce au texte de Greig qui donne accès aux pensées décalées des personnages, ils deviennent tous deux irrésistiblement attachants.La mise en scène de Philippe Lambert est d’une simplicité redoutable qui met à contribution l’imagination des spectateurs : avec une chaise, une table, deux lampes et un paravent, il arrive à faire voyager le spectateur à Édimbourg, le temps d’une fin de semaine autour du solstice d’été. La course de Bob contre la mort représentée par des marionnettes d’ombres chinoises est à la fois prenante et loufoque. Vu l’étroitesse de la scène, la proximité des spectateurs et l’ambiance bon enfant, on se croirait convié à un cabaret maison chez deux amis artistes parmi les plus talentueux de leur génération.
Le plaisir sincère des deux comédiens à jouer sur la petite scène ne fait qu’ajouter à ce charme. On note toutefois, lors de la deuxième représentation, quelques hésitations lors de l’échange des répliques. Les comédiens naviguent habllement entre la narration externe de leur propre histoire et la personnification de leurs rôles. Ils se glissent dans la peau de leurs personnages somme toute typiques et passent à travers les gammes d’émotions avec un naturel déconcertant ; Brillant laisse bien percevoir la tristesse derrière la muraille alors que la toujours radieuse Blais est une romantique dans le déni. Tous les deux sont pris dans leurs histoires sans lendemain, dans la poursuite inavouée de leurs rêves fanés. C’est à croire qu’à 35 ans, la vie est finie, que tu seras jamais ce que tu es pas déjà ». Et pourtant, il reste encore de la place pour la folie, ou le légendaire 48 heures de perdition », grâce aux 15 000 dollars que Bob a en sa possession. Le talent des musiciens-chanteurs vu chez les groupes Batteux-Slaques et Caïman Fu se confirme également sur la scène de la Licorne. Gordon McIntyre a composé les pièces aux mélodies et paroles simples (« l’amour brise les cœurs »), sympathiques et humoristiques (« si ma gueule de bois était un sport/ce serait le dard »), à l’image de la pièce, et interprétées à deux guitares.
Midsummer est donc une pièce plus attendrissante qu’acidulée, dont on connait l’issue et qui ne renouvelle rien dans son genre, mais qu’on regarde avec un sourire béat jusqu’à la réplique finale.Pièce qui vaut le détour grâce à ses acteurs de rêve dans un « deux pour un » de théâtre et de chanson.